L’avenir de la production laitière dépend, entre autres, d’une meilleure rémunération des producteurs. Pour les responsables de la coopérative Unicoolait, le compte n’y est pas : l’augmentation du prix du lait en 2023 ne suffit pas à compenser des coûts de production toujours élevés.
Une collecte de lait en hausse par rapport à 2022, un prix qui s’améliore (sauf au dernier trimestre), mais des trésoreries d’exploitations qui se dégradent en raison de coûts de production toujours élevés : tel est le bilan de l’année laitière 2023, selon Jean-Luc Jacobi, président d’Unicoolait.
À l’assemblée générale de la coopérative, le 5 avril à Mittelbronn, tous les éléments influençant les marchés laitiers ont été passés en revue : de la guerre en Ukraine qui renchérit les coûts aux désordres climatiques qui affectent les différentes régions de production.
La loi Egalim mal appliquée
Jean-Luc Jacobi a aussi évoqué les négociations commerciales entre les grandes enseignes françaises de la distribution et les transformateurs laitiers, qui ont été avancées à la demande du gouvernement. «Malheureusement, l’application de la loi Egalim pour prendre en compte la hausse des coûts de production est mal menée et le prix payé aux producteurs reste la variable d’ajustement», constate le président d’Unicoolait. Le sentiment de ne pas toucher le juste prix de leur travail est, avec bien d’autres motifs, à l’origine des manifestations d’agriculteurs de ces derniers mois.
«La baisse du prix du lait depuis l’automne dernier est un non-sens économique pour les exploitations laitières, insiste le président de la coopérative. Le niveau de prix prévu pour 2024 par le groupe Lactalis, partenaire d’Unicoolait depuis trente ans, ne permettant pas de faire face aux coûts de revient», Jean-Luc Jacobi a alerté par courrier Emmanuel Besnier, son président. «Le fait de rogner sur le prix du lait n’encourage nullement les jeunes à s’installer et à continuer dans cette voie, dit-il, inquiet pour le renouvellement des générations. Si la filière laitière veut continuer à faire son chemin, il est indispensable que tous les maillons de la chaîne en aval de la production fassent également des efforts pour maintenir des producteurs de lait». Une communication sur l’impact des choix de consommation pour les producteurs lui semble indispensable.
«La restructuration continue»
Les volumes livrés lors des campagnes laitières 2022-2023 et 2023-2024 étaient en hausse de respectivement 1,3 % et 1,8 % : la dernière s’est achevée le 31 mars dernier sur un volume de 159 millions de litres (Ml), contre 156,2 Ml pour la précédente. La gestion raisonnée des volumes a permis d’installer quatre jeunes agriculteurs (huit en 2022-2023) et d’accompagner la modernisation des bâtiments d’élevage. «La restructuration continue à faire son chemin», constate le vice-président d’Unicoolait, Jean-Georges Berst, même si elle est moins forte qu’ailleurs en France. En décembre dernier, moins de 230 exploitations livraient leur lait à la coopérative.
Sur l’année civile 2023, la collecte totale s’établit à 157,4 Ml, dont 120,8 Ml de lait conventionnel et 36,7 Ml de lait bio. La plupart des paramètres de qualité du lait sont au vert, signale Ludovic Estreich, secrétaire, à l’exception des butyriques, qui constituent le point noir de l’année 2023. Dans le cadre du challenge sur la qualité du lait, près de 100.000 € ont été attribués à 82 exploitations sous forme d’une ristourne qualité. Deux exploitations ont franchi la marche la plus haute, signale le secrétaire d’Unicoolait : le Gaec de la prairie à Kleingoeft et l’Earl Léonard Lux à Lochwiller. Ils décrochent une ristourne complémentaire pour avoir livré tout au long de l’année un lait à moins de 50.000 germes, moins de 200.000 leucocytes et de 800 spores butyriques.
Lait bio : retrouver l’équilibre
La collecte de lait bio est en recul de 6,7 %. «En 2023, six exploitations ont fait le choix d’une déconversion pour revenir vers l’agriculture conventionnelle», note Jean-Georges Berst. Le prix du lait bio, toutes primes et qualités confondues, s’élève à 521,90 €/ 1.000 l en 2023, en hausse de presque 23 €/ 1.000 l par rapport à 2022 (+ 4,6 %). «Le différentiel avec le lait conventionnel est à 48,35 €», signale Didier Roth, administrateur d’Unicoolait. Autre chiffre qui témoigne des difficultés du bio : «environ 40 % du lait bio est valorisé en conventionnel par les entreprises de transformation». Face à cette situation, «il faut relancer la consommation», estime Didier Roth qui plaide pour un retour à l’équilibre du marché permettant aux éleveurs engagés en Ab de couvrir leurs coûts de production. «Nous sommes très loin des ambitions politiques d’aller vers 20 % de bio en France. Avec 5 % de lait bio, le marché est déjà excédentaire», dit-il.
Le prix du lait conventionnel, quant à lui, toutes primes et toutes qualités confondues, s’élève à 473,55 €/1.000 l, en hausse de 11,18 €/1.000 l (+ 2,4 %), précise Gilles Becker. Après les manifestations agricoles, le vice-président de la coopérative dit attendre le résultat des négociations commerciales sur les paies de lait. «Nous espérons que la grande distribution a revu sa copie depuis le 31 janvier pour accepter des hausses de la part des industriels laitiers, à la fois sur les produits de marque et sur les marques de distributeurs». Comme Jean-Luc Jacobi, il réclame un plan de communication permettant de soutenir les producteurs de lait français. Une communication «responsable et durable incitant tout le monde à faire des efforts». Et pas seulement les producteurs qui en font déjà beaucoup pour répondre aux attentes sociétales, ajoute le président d’Unicoolait.
Des comptes, présentés par le directeur, Marc Hoenen, il ressort que la coopérative a réalisé un chiffre d’affaires de 85,8 millions d’euros (M€) en 2023. Elle achève l’exercice avec un résultat net en hausse, à 1,8 M€.