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Zones humides : L’art de faire déborder le vase

Les arguments concernant la nécessité d’entretenir fossés et cours d’eau, qui prennent aujourd’hui un sens particulier. Photo Pierre DIVOUX
Les arguments concernant la nécessité d’entretenir fossés et cours d’eau, qui prennent aujourd’hui un sens particulier. Photo Pierre DIVOUX

La campagne de prospection des zones humides du Syndicat des Eaux Vives des 3Nied tourne court. La profession dénonce l’absence de concertation et pointe un arrêté préfectoral caduc.

La nouvelle a suscité de vifs échos dans les rangs de la profession agricole. Arrivée par courriel, l’annonce d’une campagne de localisation des zones humides de l’ensemble du bassin versant des trois Nied a occasionné l’émoi des agriculteurs. La réaction des agriculteurs destinataires de ce courriel ne s’est pas fait attendre.

Elle a pris la forme de «30 tonnes d’arguments solides» qui ont bloqué l’accès au siège de l’expéditeur.

Un contexte tendu

L’actualité, dramatique pour nombre de nos voisins, montre qu’en matière de cours d’eau, les agriculteurs peinent à faire reconnaître les difficultés qu’ils rencontrent. C’est le cas, par exemple, de leurs arguments concernant la nécessité d’entretenir fossés et cours d’eau.

L’abondance exceptionnelle des précipitations met ainsi en exergue un constat porté de longue date. «L’absence d’entretien des cours d’eau et fossés conduit inéluctablement à empêcher l’écoulement naturel des eaux», dénonce le président de la Fdsea de Moselle. Pour Fabrice Couturier qui a eu l’occasion de faire un état des lieux avec plusieurs présidents cantonaux de son réseau, «les parcelles agricoles se retrouvent, en période de débit élevé, plus rapidement recouvertes par les crues. La durée et la hauteur d’eau des crues s’en trouvent accentuées. Le retour à une situation normale, après un complet ressuyage, est également plus tardif». L’ensemble de ces conséquences portent préjudice à l’état des cultures, tant d’un point de vue qualitatif que quantitatif.

«La Fdsea est régulièrement alertée par des agriculteurs dont le parcellaire est traversé de cours d’eau», témoigne son secrétaire général. Il observe des situations où l’écoulement naturel des eaux se trouve perturbé. «La présence d’embâcles nuit au maintien du cours d’eau dans son profil d’équilibre, avec des conséquences catastrophiques sur les productions agricoles qui les bordent», dénonce Florent Dory.

Une goutte de trop

La profession agricole estime qu’il y a déjà fort à faire concernant l’entretien des linéaires d’eau.

L’annonce des prospections de terrain destinées à confirmer la présence de zones humides dans le bassin versant des trois Nied est donc vécue comme «la goutte de trop». Une annonce qui fait grincer des dents du côté des responsables professionnels mécontents de l’absence de concertation. «Pourtant, nous avons fait la démonstration de la valeur ajoutée de la pédagogie dans ces problèmes de gestion de l’eau», témoigne Florent Dory, «le vaste chantier de la cartographie des cours d’eau en Moselle est un bon exemple».

Un dossier où le Syndicat des Eaux Vives des 3Nied se trouve donc mal engagé. «Pas la bonne méthode et au mauvais moment», dénonce Fabrice Couturier. Il pointe du doigt l’arrêté préfectoral autorisant le bureau d’études, et le personnel du Syndicat, à pénétrer et réaliser les sondages pédologiques dans l’ensemble des parcelles privées pour cette étude, «l’arrêté prévoit que l’autorisation est caduque si elle n’est pas suivie d’exécution dans les six mois. Or, l’arrêté date du 25 juin 2020. Il n’est donc plus possible de se baser dessus pour entrer dans les propriétés privées». Pour la Fdsea de Moselle, la conclusion est simple, «le bureau d’études, et le personnel du Syndicat n’ont rien à faire dans nos parcelles».

Mais au-delà de la forme, c’est aussi la finalité de l’étude qui préoccupe. En questionnant le président du Syndicat des Eaux Vives des 3Nied, Fabrice Couturier s’est vu signifier la volonté de «renaturation des zones humides». Ce que l’arrêté préfectoral confirme dans sa rédaction en précisant «dans le but de restaurer les milieux aquatiques». De quoi alimenter les plus vives inquiétudes quant à la pérennité de la vocation économique de nombreux espaces agricoles.