
Les livraisons des producteurs d’Unicoolait ont atteint «un chiffre record que la coopérative n’a jamais connu». Son président, Jean-Luc Jacobi, témoigne d’une «conjoncture favorable au prix du lait». Même la perspective de la fin de la collaboration avec le groupe Lactalis n’entame pas sa confiance dans l’avenir.
Dès l’introduction de son assemblée générale, Jean-Luc Jacobi a partagé les arguments d’une confiance en un avenir «qui s’inscrit dans la durée et la bonne rémunération de notre lait». Une confiance certainement partagée par les producteurs d’Unicoolait puisqu’ils ont, en 2024, livré une collecte record. «Les livraisons ont atteint 163 millions de litres, un chiffre que la coopérative n’a jamais connu», s’est félicité le président. Cette performance révèle aussi une progression de la collecte de plus de 3,3 % par rapport à celle de 2023.
Une dynamique de l’activité qui se traduit dans les chiffres de l’exercice clos au 31 décembre 2024. Le directeur d’Unicoolait a ainsi présenté un chiffre d’affaires en progression de 3,15 %. Le lait vendu à Lactalis en représente l’essentiel, pour s’établir à 875 millions d’euros. L’activité d’agrofourniture pesant 6 millions d’euros. L’ensemble des activités de l’entreprise aboutissent à un résultat net de 2,119 millions d’euros, en progression lui aussi de près de 230.000 euros par rapport à l’exercice précédent. Ces résultats iront consolider un haut de bilan déjà, sain avec des capitaux propres qui totalisent aujourd’hui 25 millions d’euros.
L’apparente sérénité des dirigeants de la coopérative n’a cependant pas occulté un contexte par ailleurs chargé d’incertitudes.
La Fco s’est installée
Les effets du changement climatique, la géopolitique, la crise sanitaire en conséquence de l’épizootie de Fco 3 pèsent sur la rentabilité des exploitations agricoles. Premier indicateur, l’évolution de la collecte laitière.
«Après dix mois de rebond, la collecte laitière est repartie à la baisse en fin d’année», constate Jean-Luc Jacobi avant d’incriminer les effets combinés de «la crise de la Fco et des fourrages de moindre qualité». Pour la coopérative Unicoolait, «la collecte est passée de + 6 % à moins 6 % au cours de l’année 2024». Et au-delà de la perte de production, il pointait «les pertes d’animaux, sans oublier les frais vétérinaires».
Cependant, 2024 aura montré «une conjoncture favorable au prix du lait». En effet, «la collecte laitière des principaux exportateurs mondiaux a été relativement stable et la demande soutenue malgré la baisse des importations chinoises», témoignait Jean-Luc Jacobi. Un contexte permettant un niveau de prix «soutenu et en légère progression», pour le lait conventionnel. Seul bémol dans le paysage des marchés des produits laitiers, le prix du lait issu de l’agriculture biologique.
Progression du prix
La tendance décrite par le président de la coopérative a été précisée par Gilles Becker.
Le prix Unicoolait à 38/32 a atteint 461,40 €/1.000 litres, en augmentation de 4,44 € par rapport à 2023. «Le prix du lait conventionnel Tpc-Tqc, avec 20 € de compléments de prix et ristournes arrive à 477,67 €/1.000 litres, en hausse de 4,11 €», s’est félicité le vice-président de la coop.
Pour le lait biologique, le prix Unicoolait à 38/32 s’élève à 515,92 €/1.000 litres, soit plus 0,90 € par rapport à 2023. Le prix Tpc/Tqc, avec 20 € de compléments de prix et ristournes arrive à 521,93 €/1.000 litres, l’équivalent de 2023.
C’est l’écart de prix entre les deux systèmes de production qui pose question. Avec seulement 44,26 €/1.000 litres, la coopérative rapporte l’interrogation de nombreux éleveurs «qui se posent la question ou qui franchissent le pas pour entamer un retour au conventionnel».
Le bio en question
En 2024, Unicoolait a collecté un peu plus de 25 millions de litres, soit une baisse de 3,3 %. Ils sont six producteurs de moins qu’en 2023 à livrer en bio chez Unicoolait.
«Le prix du lait bio s’inscrit dans un contexte de marché difficile, avec une baisse de la consommation», témoigne Nicolas Rusch. Aujourd’hui, «40 % du lait bio est valorisé sur les circuits du lait conventionnel», se désole ce producteur bio en plaine d’Alsace. Pour lui, «retrouver une meilleure valorisation pour les producteurs», passe par «un équilibre entre l’offre et la demande». Un virage qui ne semble pas encore imprimé en France selon Nicolas Rusch qui invite «nos hommes politiques à prendre conscience de la réalité du marché et soutenir les agriculteurs bio en place, plutôt que de rêver d’un développement des conversions».
Lactalis absent
Ce n’est pas coutume, mais la tribune de l’assemblée générale d’Unicoolait avait de particulier cette année, l’absence des représentants du partenaire historique, Lactalis. Et pour cause, la filière laitière a été secouée fin septembre 2024 lorsque l’industriel a annoncé une réduction de sa collecte en France.
La coopérative de Sarrebourg a été informée de la non-reconduction de son contrat avec le leader européen de la transformation laitière. Celui en cours prend fin au 31 décembre 2030. Il reste donc six années au Conseil d’administration d’Unicoolait pour assurer un débouché à la collecte des 227 exploitations réparties en Moselle et en Alsace.
Même si le président Jacobi s’est ouvert sur «un premier accord avec notre voisin Alsace Lait», il invitait à «la discrétion» quant à la construction de la stratégie de la coopérative. Un pas que le représentant du Département de la Moselle a franchi. David Suck, également président de la communauté de communes du Pays de Bitche, invitait Unicoolait, la Chambre d’agriculture et le syndicalisme, à travailler ensemble «sur la stratégie de transformation» du lait collecté sur ce territoire. Pour lui, «le savoir faire du passé doit permettre de réfléchir à l’avenir». «Vous avez vocation à explorer de nouvelles pistes de valorisation de la production laitière», a-t -il affirmé avant d’annoncer que les collectivités «passeraient commande», citant «les collèges et demain les maisons de retraite».
Perspectives de marchés
Invité à éclairer les producteurs de lait sur les perspectives de marché des produits laitiers, Benoit Rouyer a livré lui aussi un message d’optimisme. Le directeur de la prospective économique à l’interprofession laitière, a décrit, statistique à l’appui, «une situation économique favorable pour la filière laitière, même si le contexte sanitaire inquiète».
La demande de produits laitiers reste forte, et ce malgré un environnement géopolitique mouvementé. «La demande mondiale de produits laitiers s’avère très dynamique. Elle est particulièrement forte en Afrique et en Asie». En France, alors que la demande alimentaire baisse en volume (- 0,9 % l’année dernière), elle progresse pour les produits laitiers (+ 0,8 %). Et ce, en période d’inflation et de prix des produits laitiers relativement élevés.
Pour répondre à cette demande, les prévisionnistes alertent tous sur «un vrai processus de rupture en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique et au Danemark, où la production baisse. Idem aux Usa où les perspectives de production ne sont plus aussi bien orientées». La filière se préoccupe donc aujourd’hui d’une problématique d’offre en défaut par rapport à la demande. Nous avons là les ingrédients d’un marché où les prix à la production doivent tirer leur épingle du jeu.
Rattrapés par le quotidien
Il n’en reste pas moins que les éleveurs regardent prioritairement le court terme. «L’épizootie de Fco n’est pas encore jugulée», alerte Fabrice Couturier. Le président de la Frsea du Grand Est a mis à profit la tribune d’Unicoolait pour souligner «la nécessité d’un discours de responsabilité» en prônant «la vaccination, seule arme à la disposition des éleveurs», et en fustigeant le gouvernement concernant «la disponibilité des vaccins». Il rappelait tout l’intérêt du travail syndical et particulièrement «l’enveloppe de 75 millions d’euros à destination des éleveurs victimes de la Fco».
Fabrice Couturier a également plaidé pour «une mobilisation de la profession dans la recherche d’une nouvelle enveloppe pour les pertes depuis le 1er janvier 2025» et «la mise en œuvre d’un observatoire, pour être collectivement plus réactifs dans la remontée d’informations sur les conséquences de l’épizootie».