Le préfet Touvet affine sa connaissance des entreprises agricoles sur le terrain. À Flocourt, le 13 mars, sur l’exploitation de Julien Viville, la profession a alerté de façon unanime : «les prochains mois s’annoncent très compliqués pour la trésorerie des exploitations».
Il s’est installé en 2016 sur l’exploitation familiale. Une ferme reprise par son grand-père en 1957 dans la commune de Flocourt. Julien Viville incarne ainsi la troisième génération d’agriculteurs sur cette exploitation de polyculture-élevage. Trois apprentis et un salarié se partagent le travail avec Julien et son papa, autour d’un atelier laitier d’un million de litres et un troupeau de vaches allaitantes, pour une superficie totale de 410 hectares. Une Eta permet de gérer une activité de travail à façon «incompatible avec les statuts du Gaec», explique Julien.
Si l’après-midi de ce 13 mars débute par une présentation détaillée et une visite de son expolition, c’est que Julien accueille un invité particulier. Le préfet Laurent Touvet avait sollicité le président des Jeunes Agriculteurs de la Moselle afin de compléter sa connaissance des entreprises agricoles sur le terrain. Il est coutumier de la chose puisqu’on peut mettre à son actif plusieurs visites chaque année et ce, depuis sa prise de fonction en Moselle.
Autour du représentant de l’État et du gouvernement, le Directeur départemental adjoint des territoire, Gautier Guerin et Sylvain Rigaux du service économie rurale, agricole et forestière.
Tradition républicaine oblige, le maire, Bruno Gandar, lui aussi agriculteur, était présent. Pour accueillir le représentant de l’État, plusieurs élus représentants de la Chambre d’agriculture, de la Fdsea et des Jeunes Agriculteurs avaient également rejoint la petite commune du sud messin.
C’est bien le quotidien des agriculteurs mosellans que le préfet de Moselle a sondé en se rendant à Flocourt. Nous sommes loin du Sav des annonces du Premier ministre et du président de la République. Laurent Touvet s’est plié à l’exercice quelques jours plus tôt à l’occasion de l’Assemblée générale de la Fdsea le 23 février.
Dans le concret
Au milieu des vaches laitières et à proximité de la salle de traite, Julien évoque les sujets concernant la main-d’œuvre. Le niveau de rémunération des apprentis est débattu dans un parallèle avec les salariés. On évoque encore le prix du lait «il couvre aujourd’hui à peine les coûts de production avec un prix de base à 420 € les 1.000 litres et autour de 450 € toutes primes confondues».
La période météorologique calamiteuse a amené le sujet de la gestion des effluents d’élevage. Le Gaec des Trois Ormes contractualise avec une installation de méthanisation toute proche. «Une solution économiquement intéressante au regard des coûts de mise aux normes», explique Julien, «mais aussi une organisation sécurisante du stock de maïs pour la production laitière avec des surfaces tampons». L’agriculteur évoque également l’intérêt agronomique de «cette culture d’été qui, dans l’assolement, permet de nettoyer nos parcelles», souligne le jeune agriculteur, très critique sur «les grandes difficultés du désherbage quand les molécules nous sont bientôt interdites».
Cheminant au travers du bâtiment des vaches laitières, le préfet a été alerté sur l’explosion des populations d’étourneaux. «Ils s’alimentent dans les silos et envahissent les bâtiments», «avec des conséquences sur la qualité du lait». Présents par milliers, leurs déjections sont vectrices de dégradation de la qualité sanitaire de l’environnement du troupeau. Les autres espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (Esod) ont été passées en revue. L’occasion de solliciter de la part du préfet la signature d’un nouvel arrêté ouvrant la possibilité du droit de destruction des corvidés dans le cadre du plan de lutte collective en Moselle.
Du temps calme à la tempête
Au milieu des vaches laitières, Laurent Touvet a remarqué «l’ambiance très calme dans le bâtiment».
Mais une fois rendu aux abords, en proximité d’une parcelle de colza ayant souffert de l’excès d’eau, le ton est monté d’un cran. Après le temps calme et paisible au milieu des animaux, le vice-président de la Fdsea laisse transpirer l’impatience de la profession agricole.
Entretien des cours d’eau, gestion de la taille des haies, impact mortifère des importations ukrainiennes de céréales sur les cours, ciseau des prix, gestion des assolements et des semis de printemps empêchés par la pluviométrie en excès, perspective inquiétante du paiement des prochaines échéances sociales, c’est une pluie de sujets chauds qui s’est abattue sur le représentant de l’État et ses services. Chacun a été détaillé par les élus représentants de la Chambre d’agriculture, de la Fdsea et des Jeunes Agriculteurs.
À l’exemple de l’immobilisme dans la mise en œuvre de l’entretien des cours d’eau. Sur ce point, les agriculteurs ont été rejoints par le Maire dans la démonstration de «l’absolue nécessité d’agir pour se préserver des conséquences d’ouvrages qui ne remplissent plus du tout leur rôle».
Autre sujet développé, le marché des céréales. «Le prix du blé est tombé à son plus bas niveau depuis l’été 2020», se désole un participant. Le marché européen est écrasé par une offre abondante en provenance de la mer Noire qui capte l’essentiel de la demande.
«Sur la prochaine échéance, on est à 183 € la tonne», précise-t-il. Le blé chute parce que le potentiel est intact en Russie et en Ukraine. Face à cette perspective de marché, «les coûts de production n’ont pas suivi à la baisse». La profession est unanime, «les prochains mois s’annoncent très compliqués pour la trésorerie des exploitations».