Après les annonces du Premier ministre, Fdsea et Jeunes Agriculteurs (Ja), ont pris la décision de «suspension des actions». Fabrice Couturier a réuni le Conseil d’Administration de la Fdsea dans la foulée pour une analyse à chaud des avancées.
Dès l’annonce de la suspension des actions syndicales, vendredi 2 février dans la matinée, le président de la Fdsea de la Moselle a souhaité convoquer son conseil d’administration.
Et c’est devant une salle comble, le lundi suivant, que Fabrice Couturier a retrouvé les administrateurs du syndicat majoritaire.
«Félicitations à tous les cantons mobilisés sur les différents points de blocage». Remerciant les réseaux Fdsea et Ja, Fabrice Couturier a souligné la «présence massive» des adhérents comme «le reflet de nos convictions et de notre détermination à faire entendre notre voix».
Une mobilisation organisée «avec le souci de la sécurité des manifestants et le respect des biens publics». Des arguments «essentiels» de la «crédibilité de nos réseaux auprès des représentants des pouvoirs publics» et plus largement «d’un soutien exceptionnel de nos concitoyens, et une popularité du mouvement qui participe à la cohésion de nos réseaux Fd et Ja».
«Nos revendications sont légitimes, et la longue liste des sujets portés, plus d’une centaine de demandes, révèle des décennies de prises de décision qui allaient contre l’agriculture».
«Une suspension de nos actions»
Après les annonces du Premier ministre le jeudi 1er février, confortées par le Président de la République l’après-midi même, puis les échanges dans toutes les strates des réseaux Fd et Ja, il a été pris la décision de «suspension des actions vendredi dans la matinée».
Nombreux sont les responsables présents ce lundi 5 février à Laquenexy à avoir rapporté leur «difficulté à canaliser la frustration des adhérents mobilisés». Mais «ce n’est pas la fin du combat syndical», alerte Fabrice Couturier Il précise, «ces annonces sont des avancées importantes dont «nous attendons qu’elles soient précisées», «mais surtout traduites dans les actes». L’heure est à «analyser et communiquer rapidement dans nos réseaux». Le président de la Fdsea prévient, «Nous avons d’ores et déjà alerté le gouvernement que si les actes ne sont pas là, nous reprendrons les mobilisations sur le terrain».
Cependant, les membres du Conseil d’Administration ont souligné la nécessité de «concrétiser dans les meilleurs délais les promesses qui sont sur la table», au niveau national comme au niveau européen. Nul doute que les échéances à venir vont permettre de peser sur les enjeux européens pour obtenir des engagements de la part des représentants français à Bruxelles.
Des acquis, avant le Salon
Clairement, Fnsea et Jeunes Agriculteurs ont fixé la première échéance pour un bilan, au Salon International de l’Agriculture, qui s’ouvrira le 24 février prochain. Une «pression» qui semble porter puisque dès le 2 février, deux décrets venaient concrétiser les annonces gouvernementales.
Fabrice Couturier a donc pu mettre deux points à l’actif du bilan de ce premier round de mobilisations.
Le premier décret porte sur le Gnr, paru le 4 février au Journal officiel, il va «permettre aux exploitants agricoles de demander dès ce mois de février une avance de 50 % sur le remboursement de la Ticpe» concernant notamment, l’année 2024. Auparavant, ce remboursement n’intervenait que l’année suivant les dépenses.
Fabrice Couturier a rappelé que le Premier ministre avait annoncé l’arrêt de la trajectoire de hausse du Gnr. La hausse progressive de la taxation du Gnr prévue jusqu’en 2030 est donc abandonnée. Le chef du gouvernement a également annoncé la «déduction de l’exonération en pied de facture», comme demandé par la Fnsea. Un impact que le président du Cefigam, Marc Schlemer, «évalue de 4.000 à 5.000 euros sur une exploitation moyenne».
Le second décret était très attendu par les éleveurs bovins, touchés depuis plusieurs mois par la maladie hémorragique épizootique (Mhe). Il va notamment permettre une augmentation du taux de prise en charge des frais vétérinaires, qui passe de 80 à 90 %. Les pertes liées à la mortalité des animaux seront également indemnisées à hauteur de 90 %, selon un barème de montants établi en fonction de la nature (vache laitière, mâle reproducteur...) et de l’âge de l’animal.
Si la mesure ne concerne pas encore le Grand Est compte tenu de la localisation des cas plutôt dans le sud, «l’inquiétude ira croissante avec l’arrivée du printemps» et les températures propices aux déplacements des moustiques vecteurs de la maladie.
Plusieurs niveaux de décisions
Les membres du Conseil d’Administration se sont attachés à identifier les différents niveaux de décisions avec la préoccupation de «faire bouger les lignes, y compris au niveau départemental».
Au menu, la facilitation des démarches pour les éleveurs faisant abattre en dehors du territoire national. La Ddpp est déjà sollicitée localement. Les représentants de la filière bio ont pointé du doigt «l’incohérence d’une promotion de nouvelle conversion dans un contexte de marché complètement saturé». Les collectivités sont visées. Elles sont aussi taxées d’incohérence «entre une politique volontariste en faveur de nouvelles exploitations en bio, et des achats pour la restauration collective qu’elles maîtrisent qui ne respectent pas les seuils d’approvisionnement en bio fixés par la loi».
Toujours en local, la mise en œuvre du septième programme d’actions régional de la directive nitrates «doit être repoussée après les moissons de 2024». Fabrice Couturier négocie ce point avec la préfète de Région.
Plusieurs autres mesures contenues dans les annonces de Gabriel Attal, dont celles destinées à soulager la charge fiscale et sociale des éleveurs ont été débattues.
L’État va consacrer 150 millions d’euros dès 2024 et de façon pérenne pour soulager la charge fiscale et sociale des éleveurs. Un travail avec la filière permettra d’en préciser les modalités, ce qui ne permet pas de communiquer dans l’immédiat sur le détail des mesures concernées.
Sur le défi du renouvellement des générations porté plus spécifiquement par les Ja, «le gouvernement va relever les seuils d’exonération sur les successions agricoles», se félicite Fabrice Couturier. Le principal changement sur les successions concerne les plus-values sur les transmissions. Actuellement, à 500.000 € pour une exonération totale et jusqu’à 1 M€ pour une exonération partielle, les seuils seront relevés respectivement à 700.000 € et 1,2 M€ «en cas de reprise d’une exploitation agricole par un jeune agriculteur», précise Julien Viville.
Le deuxième relèvement de seuil porte sur l’exonération de droits de succession et de donation en cas de transmission de biens ruraux donnés à bail à long terme et de parts de Gfa. Le seuil limite d’exonération sera porté de 500.000 € à 600.000 € dans le cadre d’une transmission à un jeune agriculteur. Le régime d’exonération des plus-values en cas de retraite sera aussi revu.
Des réactions en dehors du monde agricole
Les mesures annoncées par le gouvernement n’ont pas été scrutées que par la profession. En dehors du monde agricole, les réactions sont vives concernant tout ce qui touche de près ou de loin à l’environnement.
Au premier rang des décisions suscitant des réactions épidermiques, la mise en «pause» du Plan Écophyto 2030 jusqu’au Salon de l’agriculture. Elle est destinée à «rediscuter les indicateurs, les zonages et les mesures de simplification», qui concerneront notamment la mise en place d’un registre numérique et la «suppression du conseil stratégique dans sa forme actuelle». Le gouvernement s’engage «à travailler à un conseil réformé, simple et sans surcharge administrative». Le conseil stratégique pourrait être fusionné avec Certiphyto, qui se verrait renforcé.
Le revenu au cœur des débats
Quant aux discussions relatives au renforcement de la loi Egalim promis par le gouvernement, tous s’accordent à dire que «le cœur du débat reste le revenu des agriculteurs». Cependant, plusieurs annonces sont jugées «aller dans le bon sens».
Ainsi, le «renforcement de la loi Egalim pour protéger la rémunération des agriculteurs», annoncé le 1er février par le Premier ministre était attendu. Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, présent, lui aussi, devant la presse, a annoncé des contrôles massifs «dans les prochains jours» sur les industriels et les supermarchés, qui concerneront notamment «toutes les plus grandes chaînes» de supermarchés.
Par ailleurs, il a annoncé «10.000 contrôles sur l’origine française des produits», avec des sanctions qui pourront «atteindre 10 % du chiffre d’affaires des industriels ou des distributeurs qui auraient fraudé». «Un produit agricole estampillé comme d’origine française par son étiquetage doit être réellement d’origine française», a insisté Bruno Le Maire. Une évidence pour les manifestants qui avaient, quelques heures plus tôt, «intercepté des produits ne répondant pas aux normes européennes dans des camions à destination de Rungis ou d’entreprises agroalimentaires du territoire national».