Dans un contexte de décapitalisation du cheptel allaitant et un mois d’avril révélant une première diminution des charges sur les matières premières agricoles, les prix de revient restent encore à un niveau très élevé pour les éleveurs français.
Le mois d’avril ne déroge pas à la règle des premières tendances constatées sur le début de l’année 2023. La décapitalisation du cheptel allaitant est bien ancrée dans le paysage. Les chiffres révèlent une baisse de 494.000 vaches allaitantes entre le 1er décembre 2016 et le 1er décembre 2022. Une tendance lourde. Le mois d’avril 2023 montre, en revanche, une bonne nouvelle du côté des charges.
Une première diminution nette des coûts sur les matières premières agricoles a été constatée par les éleveurs. Mais malheureusement, celle-ci est absorbée par l’augmentation d’autres charges comme les salaires. De ce fait, à l’image des autres filières agricoles, les prix de revient restent encore à un niveau très élevé.
Des charges à un niveau élevé
Cette inflation inédite est liée à la flambée des prix des matières premières subie par les éleveurs allaitants. Sur les douze derniers mois (à fin décembre 2022), les prix des aliments achetés progressent de 24,0 %. Les engrais et amendements s’emballent à + 74,8 %. Sans surprise, pour l’énergie et les lubrifiants, la note est aussi salée avec une hausse de 48,6 %. Du côté du matériel et des petits outillages, on constate une progression de 17,7 % de la charge.
Cette hausse conséquente des matières premières, couplée à une revalorisation significative du Smic, entraîne une augmentation des indicateurs coûts de production de 15 % rien que sur l’année 2022 (calculés selon l’accord interprofessionnel en date du 22 mai 2019).
Sur le mois d’avril 2023, la tendance est à la diminution au niveau de l’indice Ipampa viande bovine (mesure le niveau des charges des producteurs). Il s’élève à 135,7 points, contre 137,5 en mars 2023, soit une diminution de 1,8 point.
Cette diminution est due principalement à la baisse, sur un mois, des postes “engrais et amendements” (- 12.1 points) et “énergie et lubrifiants“ (- 8,2 points).
Cependant, comme expliqué précédemment, du fait de l’augmentation de l’indice du Smic intégrée dans la méthodologie de calcul, l’estimation de la Fédération Nationale Bovine (Fnb) du coût de production sur le mois d’avril, reste à des niveaux élevés (voir le tableau ci-dessous).
Une embellie insuffisante
En parallèle, la décapitalisation du cheptel bovin allaitant enclenchée depuis 2016, s’est accélérée en 2022 avec une baisse de 110.000 têtes. Les abattages sont mécaniquement en baisse de 4 % sur sur la même période (Source : Normabev), quand la consommation par bilan, en France, a augmenté de 1,1% (Source : FranceAgrimer, d’après douanes Françaises, Agreste).
Cette tendance à la baisse des abattages se confirme encore sur l’année 2023, avec à fin avril 2023, des chiffres qui en attestent. On relève ainsi une baisse de 2,25 % des abattages sur les 17 premières semaines de 2023 par rapport à 2022 (Source : Normabev).
Cette offre limitée sortie abattoirs, face à une demande dynamique des consommateurs, a orienté les cotations à la hausse pour toutes les catégories animales sur l’année 2022, preuve qu’il n’y a pas de fatalité et que les prix peuvent bel et bien augmenter.
Malheureusement, cette embellie est à relativiser au regard de la hausse des coûts de production interprofessionnels.
Bien que les cotations aient augmenté de 25 % sur l’année 2022, toutes catégories animales confondues (hausse de 1,04 €/kg sur le prix moyen pondéré), le constat est là : cette embellie des cotations, bien que réelle, ne permet toujours pas de couvrir la hausse des charges subie par les éleveurs sur l’année écoulée.
L’écart entre coût de production interprofessionnel et cotation ne diminue que très légèrement sur les diverses catégories animales, par rapport à celui de 2018.
Les signes d’une amélioration de la rémunération des éleveurs bovins sont loin d’être au rendez-vous.
L’élément indispensable des contrats
Le mois d’avril 2023 ne dément pas cet état de fait. Bien que les charges aient diminué sur le mois d’avril 2023 pour les éleveurs bovins, les cotations ont suivi la même tendance. En conséquence, le prix payé aux producteurs reste à perte, lorsque sont comparés, le prix de revient réactualisé selon l’estimatif Fnb, et la cotation(1) au 30 avril 2023.
La Fnb rappelle que, dans le cadre d’Egalim 2, l’éleveur doit établir sa proposition de contrat à son premier acheteur et non l’inverse. Et le coût de production interprofessionnel (selon la méthodologie de calcul en date du 22 mai 2019 et non un autre) est, dans cette proposition, le socle indispensable à toute négociation.
Le résultat de la mécanique de prix résultant de cette négociation dont les modalités sont fixées dans le contrat, ne sera alors plus négociable par l’aval de la filière.
Par la prise en compte du coût de production interprofessionnel dans le contrat, l’éleveur a l’assurance que la flambée des prix des matières premières sera supportable par son exploitation, et ce de manière durable.
La Fnb rappelle également que la prise en compte du coût de production interprofessionnel dans un contrat, amène toujours à une meilleure valorisation que le prix du marché, même quand celui-ci augmente fortement par rapport à l’année passée.
Enfin, cette pratique conforme à Egalim 2, permet de donner de la lisibilité aux éleveurs, à la filière, comme aux banquiers pour accompagner les jeunes. Une nécessité pour la Fnb qui souligne qu’avec la moitié des éleveurs qui partiront à la retraite dans les 10 années à venir, le renouvellement des générations est une urgence.
Les graphiques ci-après donnent des exemples de situations concernant les prix payés aux éleveurs, sur vaches allaitantes et jeunes bovins, selon les modalités de prix négociées : si les ventes étaient au prix du marché (en noir), intégralement basées sur l’indicateur interprofessionnel de prix de revient (en vert), et entre les deux avec des proportions différentes (en jaune, gris et orange).
(1) : Cotation entrée abattoir : l’écart avec le prix en sortie ferme, effectivement payé au producteur est d’autant plus important.