
L’épizootie de fièvre catarrhale ovine (Fco) a monopolisé les débats lors des travaux de l’assemblé générale du Gds de Moselle. Pour mieux comprendre la situation sanitaire du département, les éleveurs mosellans ont sollicité le retour d’expérience de leurs homologues belges. La mutualisation de moyens se poursuit avec l’Alsace.
Le traditionnel point fort de l’assemblée générale du Gds de la Moselle, dédié aux chantiers sanitaires inscrits dans la durée (Ibr, Bvd, paratuberculose…), est passé presque inaperçu cette année. L’épizootie de Fco a mobilisé les débats, le 16 avril à Delme. Les travaux des délégués, comme les interventions des invités, se sont concentrés sur les conséquences de cette maladie vectorielle qui touche tous les ruminants.
En avril 2024, Gilles Canteneur avait déjà évoqué un «nuage gris au-dessus de la tête des éleveurs» pour alerter sur le risque de Fco. Aujourd’hui, Étienne Girard, le nouveau président du Gds parle d’un “tsunami”. Et le docteur Éric Moget, chef du service Animal et Environnement à la Ddpp fait le constat d’un «triste privilège qui place la Moselle au second rang des départements les plus touchés» en France.
Elle vient du nord
C’est le sérotype 3 qui frappe nos cheptels de ruminants. L’épizootie a débuté aux Pays-Bas en septembre 2023. Comme plus tard en Belgique, en Allemagne, au Royaume-Uni puis en France, les foyers vont se répendre comme une traînée de poudre, dans une population de ruminants qui n’a jamais été en contact avec ce variant de la maladie.
En France, un premier foyer a été officiellement confirmé le 5 août 2024 dans le département du Nord. Un mois plus tard, 342 foyers sont recensés. Il faudra à peine quatre semaines de plus pour atteindre 3.750 foyers. «La propagation de la maladie est d’une fulgurante rapidité», constatent tous les acteurs du sanitaire. Mi-avril 2025, la France compte officiellement 10.695 foyers dans soixante-trois départements. La réalité est certainement au-delà, supputent les experts.
En Moselle
On l’a dit, la Moselle est le second département le plus impacté après le département du Nord. Aujourd’hui, plus de 870 foyers sont déclarés. La surmortalité est la première conséquence visible. De septembre 2024 à janvier 2025, le Gds fait état de 3.300 bovins morts au-delà de la moyenne des trois dernières années. Soit une explosion de + 35 %. Vérifications faites, cette surmortalité se concentre dans les exploitations déclarées positives à la Fco3, après une analyse Pcr. L’implication de la maladie dans ce phénomène de surmortalité s’avère incontestable selon le Gds. La létalité est la plus forte chez les veaux nouveaux-nés (+ 45 %). Les vieilles vaches trinquent aussi (+ 49 %) mais en nombre moins important.
Autre enseignement, la mortalité est plus forte dans les élevage allaitants (+ 71 %) que dans les élevages laitiers (+ 40 %).
Les filières en manque d’animaux
Au-delà de la perte économique immédiate pour les éleveurs, la perspective de l’absence des animaux morts préoccupe. Etienne Girard prévient, «des volumes vont manquer aux filières». Le tout dans un contexte de décapitalisation des cheptels. Un phénomène évoqué par Bastien Tiha, lors de la présentation du rapport d’activité de l’association. Et Stéphane Ermann de rajouter, «pour les élevages ovins, la décapitalisation est de 2 % par an en moyenne, avec la Fco elle est multipliée par deux». Le président de la Chambre d’agriculture confirme «il y aura moins d’animaux sur le marché».
La vaccination, seule solution
«Il n’y a pas de traitement curatif disponible face à cette maladie», affirme en concert tous les experts. Le seul outil à disposition des éleveurs reste la prévention vaccinale.
«Mais il a fallu convaincre les éleveurs dans un premier temps», explique le représentant du Groupement technique vétérinaire (Gtv). Gilles Hoerner ajoute, «les laboratoires ont attendu», eux aussi, d’avoir des commandes en nombre suffisant pour fabriquer les doses. Et à l’autre bout de la chaîne, les éleveurs ont parfois attendu les vaccins.
Cependant, la commande de l’État a permis de mobiliser «313.000 doses de vaccins du sérotype 3 pour le seul département de la Moselle», rapportait le Directeur départemental de la protection des populations (Ddpp). Rabah Bellahsene précisait «la mise à disposition gratuite de ces doses vaccinales», tout comme celles à venir concernant «la commande du ministère pour le sérotype 8 à disposition à partir de cet été». «Un peu tard certainement» au regard des calendrier de mise à l’herbe, alertait un délégué, éleveur allaitant. Et le docteur Hoerner de rappeler que «La profession avait su se mobiliser lors de l’épisode 2007 de Fco en Moselle, en organisant les chantiers de vaccination». Il s’est fait porte-parole des acteurs de la filières «favorables à une vaccination obligatoire». Les éleveurs apportant la précision «d’un vaccin et d’un acte vétérinaire pris en charge par l’État».
Un accompagnement à revoir
Gds, Chambre d’agriculture et Fdsea ont salué l’accompagnement de l’État et des collectivités. Mais ils se questionnent collectivement sur l’absence de financement des pertes subies après le 1er janvier 2025.
Fabrice Couturier et Stéphane Ermann ont tous les deux évoqué le travail de la Région pour le fléchage d’un reliquat de fonds européens sur un dispositif «simple dans sa mise en œuvre». Le président de la Chambre d’agriculture a annoncé l’ouverture d’une plateforme dans les prochains jours.
Étienne Girard a également évoqué la piste du Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (Fmse), qui devrait être mobilisé pour la Fco 3. Un enjeu pour les éleveurs qui abondent ce fonds d’un rapport de un pour deux avec l’État. Et si les regards se portent sur l’accompagnement des éleveurs en 2025, ceux du secteur allaitant alertent, «l’indemnisation des veaux allaitants en 2024 n’est pas satisfaisante». En clair, les 300 euros forfaitaires par veau conviennent aux laitiers. Les allaitants souhaiteraient un doublement pour aller à «au moins 600 euros par veau».
Mutualisation
Dans son rapport moral, Étienne Girard a enfoncé le clou de «la vaccination» comme seul moyen de lutte contre «la tempête dévastatrice de la Fco» et demain de la Mhe. Il a également évoqué une préoccupation des éleveurs avec «un maillage vétérinaire en rural» qui laisse apparaître des trous dans le territoire.
Enfin, l’évolution du Gds de la Moselle, vers «plus de mutualisation» se concrétise cette année, avec la nomination d’une direction commune entre la Moselle et l’Alsace.
Statutaire
Le renouvellement du tiers sortant (huit administrateurs) a donné lieu à deux départs, Ségolène Brabant de Grindorff et Jérôme Albert de Guinglange. Un seul poste a été pourvu. Victor Cordel de Kirschnaumen remplacera Ségolène Brabant de Grindorff. L’autre poste reste vacant.
Les délégués ont voté à l’unanimité la reconduction des cotisations au Gds pour toutes les espèces.
Retour d’expérience des éleveurs belges
Le docteur François Claine de l’Asia, l’équivalent de notre réseau de Gds sur le territoire belge, participait aux travaux de l’assemblée générale, à Delme, le 16 avril dernier.
Il y avait une forte demande des éleveurs mosellans dans le sens d’un retour d’expérience pour ce pays frontalier qui a affronté l’épizootie avant la France.
Si l’adage veut que l’herbe soit plus verte chez les voisins, pour ce qui est de la Fco, il n’en est rien.
Les éleveurs belges «sont pris en étau entre la vague du nord de Fco 3 et celle venue de sud pour la Fco 8».
Ils rapportent la même dynamique de propagation de la Fco 3, en ovins comme en bovins. Et surtout arrive aux mêmes conclusions, «sans passer par une vaccination obligatoire, on n’y arrive pas».
C’est la solution adoptée par l’État belge. Avec un accompagnement financier qui «ne couvre pas tous les coûts liés à la vaccination». Et une disponibilité des vaccins qui pose problème.