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Construire une stratégie “bas-carbone”

Xavier Lerond, président de la Chambre d’agriculture de la Moselle, «nous mesurons toujours mieux et toujours plus les conséquences du changement climatique». Photo Pierre Divoux
Xavier Lerond, président de la Chambre d’agriculture de la Moselle, «nous mesurons toujours mieux et toujours plus les conséquences du changement climatique». Photo Pierre Divoux

Session budgétaire le 28 novembre pour les membres de la Chambre d’agriculture. Mais le plat de résistance s’inscrivait dans la poursuite de la réflexion initiée précédemment sur le thème des conséquences du changement climatique. L’agriculture mosellane doit se construire une stratégie “bas-carbone”.

Les membres de la Chambre d’agriculture de la Moselle se sont retrouvés à Metz, le 28 novembre, pour une session dédiée à la présentation du budget initial de 2023. Un exercice délicat dans «un contexte d’inflation galopante», décrit par le président, Xavier Lerond, attaché à une réalisation financière dans «le respect des engagements pris». Au nombre de ces engagements, il soulignait  celui concernant la nouvelle organisation des services aux éleveurs (3CE). Il est question de mutualisation des activités élevage des trois Chambres d’agriculture d’Alsace, Haute-Marne et Moselle.

La mise en œuvre de ce service commun interdépartemental, mobilisant plus d’une centaine de collaborateurs, a donné lieu, par ailleurs, au vote de deux résolutions adoptées à l’unanimité, dont une sur son règlement intérieur, indispensable à la bonne marche des opérations.

Anticipation

Fait marquant de l’année à venir, et conséquence du contexte économique, la hausse des postes du budget de fonctionnement. Gaz, électricité et carburants plombent les comptes. Autre fait marquant, la progression des effectifs. La préparation des renouvellements à venir, mais aussi la reprise de l’activité d’identification, assurée jusqu’en 2022 par le Gds, ou encore «l’intégration globale de l’activité de formation pour l’ensemble des départements lorrains» qui pèse, à elle seule, huit salariés, conduisent l’organisme consulaire à recruter seize Équivalent temps plein.

Xavier Lerond évoquait également, sur cette question de la gestion des ressources humaines, les chantiers où il s’avère indispensable «d’anticiper pour être prêt au service des agriculteurs». Il évoquait ainsi l’accompagnement dans «le conseil stratégique phytosanitaire» (Csp) qui permet à l’exploitant de mener une réflexion autour de ses pratiques et usages de produits phytos. Un Csp parallèlement indispensable au renouvellement du certiphyto. Anticipation, mais aussi «prudence sur les effectifs» pour le président de l’organisme consulaire qui souhaite «faire migrer les compétences» des collaborateurs, vers les nouvelles attentes des agriculteurs.

C’est un budget déficitaire qui a été présenté aux membres pour l’exercice 2023, dans sa forme initiale. Un déficit de 413.000 €, qui a donné lieu à une délibération adoptée, elle aussi, à l’unanimité. Dans ce cadre budgétaire, les membres de la session ont voté une reconduction à l’identique de l’ensemble des prestations «à l’heure» ou «à la journée». Seules les prestations servies dans le cadre d’un «pack» portent une hausse tarifaire de 5 %.

Carbone et agriculture

Dans le prolongement des travaux de la précédente session, où les dernières conclusions du Giec avaient été présentées, le président Lerond a souhaité mettre au débat les pistes de valorisation sur le marché du crédit carbone. Rappelant l’objectif de neutralité carbone, s’imposant «pour tout le monde, mais pour les agriculteurs aussi», le président de la Chambre d’agriculture souhaite «saisir les opportunités» ouvertes par cet objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (Ges).

Un objectif de «zéro émission nette en 2050», précise Anne Gautier, cheffe du service d’économie rurale à la Ddt de Moselle ; elle explique, «les émissions résiduelles seront compensées par un stockage accru», «avec des objectifs ambitieux, déclinés à tous les niveaux du territoire, jusqu’aux régions». Des objectifs ambitieux avec, pour Anne Gautier, «une dynamique assez forte à enclencher aujourd’hui» et la perspective d’une étape intermédiaire en 2030 où la réduction des émissions de Ges devrait déjà atteindre l’objectif de 40 % par rapport à 1990.

Quant à la place de l’agriculture dans la stratégie nationale “bas-carbone”, elle s’impose d’abord par son empreinte. Anne Gautier souligne que «l’agriculture représente près d’un cinquième des émissions». Mais ce secteur de l’activité humaine doit aussi être vu au travers des leviers pouvant contribuer à la stratégie nationale. Ainsi, les apports de l’agriculture passeraient par l’arrêt du déstockage du carbone des terres agricoles. Avec au menu, le maintien des prairies permanentes, l’agroforesterie, mais aussi la réduction de l’artificialisation des sols.

Le second levier envisagé s’attache à la réduction des émissions énergétiques agricoles. Le volet des énergies renouvelables prend ici tout son sens.

Enfin, la réduction des émissions de protoxyde d’azote devra jouer un rôle prépondérant au travers de l’optimisation du cycle de l’azote. Une évidence pour Arnaud Jouart, chargé de mission agroenvironnement à la Chambre régionale d’agriculture. Il rappelait «le pouvoir réchauffant global du protoxyde d’azote 265 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone». Sur la base d’une analyse des différents systèmes d’exploitation du Grand Est, l’expert a identifié les sources d’émissions en agriculture et les actions engagées au service de la stratégie “bas-carbone”.

D’abord diagnostiquer

Pour construire sa propre stratégie “bas-carbone” au niveau de l’exploitation agricole, tout débute par un diagnostic. Anne Barth, conseillère spécialisée en environnement à la Chambre d’agriculture de la Moselle, a présenté les solutions d’accompagnement et de valorisation. À commencer par le diagnostic. Il permet une évaluation des impacts, mais aussi des contributions positives. Un état des lieux qui doit déboucher sur une identification des leviers d’action pouvant réduire l’empreinte carbone de l’exploitation, et accéder au marché des crédits carbone.

Cependant, il est nécessaire aujourd’hui d’appréhender l’intérêt économique de la démarche, au-delà du seul marché des crédits carbone. «Avec une valorisation à 32 € la tonne de carbone», «le coût des modifications» nécessaires pour actionner les leviers «de réduction des émissions ou de stockage de carbone», «est supérieur aux prix pratiqués sur le marché des crédits carbone», prévient Anne Barth. Elle invite à mettre dans la balance «la valorisation de démarches initiées par les filières», à l’exemple des oléoprotéagineux avec Saipol. Doivent aussi entrer dans l’équation, les économies de coûts générés par la modification des pratiques, avec par exemple, l’amélioration de l’autonomie fourragère et protéique en élevage. Ce que la conseillère spécialisée recense au chapitre des «co-bénéfices».

Un bémol dans cette trajectoire de progrès, la valorisation des systèmes déjà vertueux. Rien n’est prévu pour ceux déjà investis dans des systèmes de production peu émetteurs de Ges. Présent aux travaux de l’organisme consulaire, le préfet de Moselle a été interpellé sur ce point.