A l’opposée de 2021, la moisson, précoce, s’est déroulée sans interruption. Les conditions sèches et chaudes, idéales pour les chantiers de récolte, ont entraîné une hétérogénéité marquée selon les cultures et les types de sol.
Les années se suivent mais ne se ressemblent pas. L’adage est particulièrement adapté à cette moisson 2022, en contraste total avec celle de l’an passé. En effet, elle a été aussi précoce et continue, que celle de 2021 avait été tardive et entrecoupée par la pluie. Les premières parcelles d’orge d’hiver ont été récoltées fin juin. Au 20 juillet, il ne restait guère plus que la moitié des orges de printemps à battre, ainsi que «quelques parcelles de blé dans le Pays-Haut», ajoute David Meder, responsable céréales chez Emc2.
Une moisson précoce et rapide, grâce à des conditions sèches. «Il n’y a pas eu d’interruption entre les espèces, ce qui a entraîné une activité intense aux silos, dans une ambiance toutefois sereine car les conditions de récolte étaient idéales», relate Jean-Marie Guerber, président du Gpb. Toutefois, fortes températures et déficit hydrique ont pesé sur certaines cultures, récoltées plus tardivement, et notamment dans les sols superficiels. L’hétérogénéité est donc le maître mot de cette moisson.
En blé, les rendements varient du simple au triple
L’exemple le plus marquant est celui du blé. «Les rendements sont très hétérogènes, entre les petites terres séchantes et les bonnes terres. Cela va du simple au triple, de 35 q/ha à 100 voire 110 q/ha», indique Pierre-Antoine Ferru, directeur général du groupe Cal. Cette hétérogénéité est observée sur tout le territoire lorrain. «Les fortes températures et le déficit hydrique de fin de cycle ont fortement pénalisé la culture, détaille Vincent Le Ber, responsable céréales chez Lorca. Les rendements varient ainsi entre 40 et 100 q/ha, avec un rendement moyen décevant, de 67 q/ha». Même constat sur la zone d’Emc2 où les rendements oscillent entre 50 q/ha dans les petites terres du Barrois, et 90 q/ha sur les terres à très bonne réserve hydrique le long de la frontière belge. «Ce sont rarement des moyennes d’exploitations, car nombreux sont les agriculteurs qui cultivent à la fois des petites terres et de meilleures. Toutefois, on se dirige vers un rendement moyen assez faible, entre 65 et 70 q/ha. C’est décevant, car avant le coup de sec, il y avait un potentiel bien installé», estime David Meder. Sur la zone du Gpb, Jean-Marie Guerber est plus optimiste : «c’est plutôt une bonne année, toutes cultures confondues. Il y a de la qualité et de la quantité. Les plantes ont reçu de l’eau quand il a fallu, et particulièrement autour de la floraison. Si l’hétérogénéité est bien présente, le rendement moyen devrait tout de même s’établir entre 74 et 76 q/ha. Le blé est de bonne qualité, avec des Ps (poids spécifiques) de 78,8 kg/hl et j’espère que 95 % des blés pourront passer en filière meunière».
Le constat de la qualité est partagé par les trois autres coopératives lorraines, puisque les Ps varient entre 78 kg/hl pour la Cal et Lorca et 80 kg/hl pour Emc2, bien loin des 72 kg/hl observés l’année dernière. Pas d’inquiétude liée aux temps de chute non plus, ni à la protéine, avec des taux moyen de 11,5 %. «Cela cache cependant des disparités, très liées au rendement, entre 10,5 % en terres profondes et 13,5 % en terres superficielles», estime David Meder.
95 % de calibrage pour les orges de printemps
Les orges de printemps semblent suivre une dynamique semblable au blé avec toutefois un risque accru de voir le rendement chuter, même en sol profond, car les conditions sèches se prolongent. «Pour l’instant, je n’ai pas eu d’échos à plus de55 q/ha, déplore David Meder. On peine à dépasser
50 q/ha dans les petites terres et il y a même eu des accidents à 20 q/ha». S’il était trop tôt pour annoncer un rendement moyen fiable, aucune des quatre coopératives ne le voyait dépasser 50 q/ha. Dommage, car «même s’il n’y a que peu d’épis au mètre carré, les grains sont exceptionnels, avec un calibrage de près 95 %», ajoute le responsable céréales d’Emc2. Les taux de protéines hétérogènes sont parfois un peu trop élevés, mais le président du Gpb ne se départ pas de son optimisme : «je pense que près de 100 % des orges de printemps pourront passer en filière brassicole».
Cette filière devrait également se satisfaire des orges d’hiver. En effet, récoltées plus tôt, elles ont moins souffert du sec. Les rendements sont moyens. Lorca annonce 70 q/ha, Emc2 entre 65 et 68 q/ha, la Cal entre 60 et 65 q/ha et le Gpb entre 72 q/ha pour les orges brassicoles et 74 q/ha pour les fourragères. Les Ps sont bons, à 65 kg/hl et la protéine tourne autour de 11 %. «Le calibrage ressort à 75 %, c’est une année moyenne. En revanche, il y a énormément de repousses de blé dans l’orge, ce qui pourrait poser un problème pour le débouché brassicole», s’inquiète Vincent Le Ber.
Des records en colza
La véritable bonne surprise de l’année vient toutefois du colza. À ce sujet, les représentants des quatre coopératives sont unanimes, et annoncent des rendements moyens entre 35 et 40 q/ha. «C’est une excellente année pour le colza, se réjouit Pierre Antoine Ferru. Les rendements oscillent entre 35 et
45 q/ha selon les parcelles et il y a même eu des records à 50 q/ha. Nos adhérents m’ont confié n’avoir jamais vu ça». «Le taux d’huile est également excellent, environ 45 %, estime Vincent Le Ber, et il n’y a pas beaucoup d’impuretés».
Une bonne nouvelle, pour la culture qui avait subi des déconvenues les années précédentes, et surtout en 2021. Cette année, si les assolements n’ont pas encore redonné au colza la place qu’il occupait, «les surfaces progressent, avec 50 % de la sole historique, contre 15 % en 2021», note David Meder. Du rendement, de la qualité, et des prix intéressants, voilà qui devrait redorer le blason de la fleur jaune.
Manque de visibilité sur les cours
Des prix intéressants, certes, mais qui ont «nettement dévissé par rapport aux 1.000 €/t d’il y a trois mois, tempère Jean-Marie Guerber. Le colza se situe aujourd’hui à 640 €/t (le 20 juillet Ndlr), en dessous du prix payé aux adhérents du Gpb en 2021, de 706 €/t». «Le problème, c’est que les prix font le yo-yo, explique David Meder. La géopolitique, le climat, la pandémie, tout peut avoir un impact et les fluctuations se font en quelques jours, dans n’importe quel sens. Avant, une fluctuation de 10 €/t sur le prix du blé était un fait majeur, maintenant, ce sont des fluctuations de 100 €/t. Cette volatilité est très difficile à gérer». Les inquiétudes se portent déjà sur la campagne 2023, avec des craintes sur de potentiels effets de ciseaux, si les cours de céréales ne suivent pas la flambée des intrants.
Toutefois, pour l’heure, la principale inquiétude reste dans le ciel et dans les champs. L’état des maïs et tournesols se dégrade de jour en jour. «Nous sommes très pessimistes au sujet des maïs, confiait Pierre-Antoine Ferru. Il n’y aura vraisemblablement que très peu de maïs grain».
Pour le tournesol, l’espoir persiste mais s’amincit à mesure des jours sans pluie. «Le besoin d’eau est urgent, les tournesols dessèchent sur pied, malgré leur résistance. Les orages de la nuit du 20 au 21 juillet ont apporté entre 0 et 15 mm selon les secteurs, mais la moyenne est plutôt de 3 mm, ce qui n’est pas assez», déplore David Meder.