Satisfécit de la coopérative quant au prix payé aux producteurs de lait, mais inquiétudes au regard des trésoreries tendues, dans un environnement économique où les charges explosent.
Les délégués de la coopérative Unicoolait se sont retrouvés au grand complet le 28 avril à Niderviller pour les travaux d’assemblée générale de l’exercice 2021. Un exercice où tous attendaient «une embellie économique pour les entreprises après la catastrophe de 2020».
Ainsi, Jean-Luc Jacobi s’est attaché à décrire «la forte relance économique de 2021», tout en mesurant l’impact de cette dynamique, avec une «demande mondiale en plein essor», des «tensions sur les marchés», des «difficultés d’approvisionnement», et «une flambée des prix» conduisant à «un niveau d’inflation qui bat des records». Corolaire de cet environnement économique, «pour les entreprises, les coûts de production suivent la même direction». Jean-Luc Jacobi regrette cependant «qu’elles ne puissent toujours pas les répercuter à leurs clients».
2021 restera également un millésime agricole marqué par les déconvenues, «après trois années de sécheresses estivales, 2021 nous aura fait regretter le soleil et la chaleur», constate le président de la coopérative. Si les fourrages sont récoltés en quantité, Jean-Luc Jacobi a rappelé l’absence de qualité, avec des «livraisons de lait en baisse depuis le printemps». Une tendance confirmée par les propos de Jean-Georges Berst.
Les livraisons ont baissé
Dans son point sur la gestion des volumes, le vice-président d’Unicoolait évoquait, après les records de 2020, «un début d’année 2021 en fort recul suite aux manques de fourrages en quantité et en qualité». «Démarrée moyennement en avril 2021», la campagne «s’est terminée avec 154,2 millions de litres, en retrait de 2,5 %». En année civile, le recul est plus marqué avec une baisse de 2,88 %. Pour la part des livraisons en lait conventionnel, ce recul grimpe à 6,3 % sous l’effet cumulé des conversions à l’agriculture biologique.
Abondé par la collecte de trois nouveaux producteurs, le bio pèse 37,2 millions de litres en 2021, soit une progression de 10 %. Une tendance qui se confirme au niveau national dans un contexte de marchés où, la consommation est en baisse. Véronique Klein, vice-présidente en charge du dossier bio chez Unicoolait confirme «une progression importante des livraisons en France, au-delà du niveau de la consommation». Ce qui inquiète, c’est que «les livraisons vont encore progresser en 2022», sous l’effet des conversions engagées avant 2020. Une spirale infernale où plusieurs industriels ont appliqué des baisses de prix à la ferme. Et, sans surprise, «la grande distribution en profite pour proposer dans les rayons du lait bio presque au prix du lait conventionnel».
La vice-présidente dénonce la mise à mort «d’un marché et d’une filière», et craint qu’un certain nombre d’agriculteurs arrêtent la production bio. D’un naturel plutôt optimiste, Véronique Klein espère bien «la relance de la consommation de lait bio» par «des opérations publicitaires prévues au niveau national». L’arrêt des nouvelles conversions et la restructuration naturelle devraient aussi contribuer à un retour à l’équilibre des marchés. La vice-présidente constate également «le retour au conventionnel de quelques exploitations». Mais dans cette passe difficile, elle en appelle à «notre partenaire Lactalis, leader dans la transformation laitière» pour un «soutien nécessaire à un des fleurons de l’agriculture française».
Prix en hausse
«Le prix du lait payé aux producteurs en 2021 est en augmentation par rapport à 2020». Satisfécit de Gilles Becker depuis la tribune, qui tempère son propos au regard de «trésorerie tendue des exploitations» dans un environnement économique où «les charges explosent». Ainsi, pour le lait conventionnel, «le prix Unicoolait à 38/32 a atteint 364,78 € les 1.000 litres». L’augmentation est de 14,90 € par rapport à 2020, «soit une hausse de 4,3 %». Toutes primes et qualités confondues, ce sont 382,21 € qui ont été servis aux producteurs de lait conventionnel.
Dans les déterminants de cette évolution des prix à la production, Gilles Becker avançait «une production mondiale en hausse modérée», alors que dans le même temps, «la demande est croissante». Des fondamentaux dont l’impact se mesure en 2021 sur «le beurre arrivé en décembre à 5.500 € la tonne, en progression de 60 %». Ou encore «la poudre de lait écrémé», elle «frôle les 3.500 € la tonne, en augmentation de 50 % en 2021».
Pour le lait bio, «le prix Unicoolait à 38/32 s’élève à 495,07 € les 1.000 litres». C’est donc une baisse de 4,6 € que la coopérative annonce. Toutes primes et qualités confondues, ce sont 503,72 € qui ont été versés. L’écart de prix constaté avec le lait conventionnel est de 121,51 € les 1.000 litres.
Bilan mitigé
«Le bilan 2021 est donc mitigé» pour le président d’Unicoolait. Si le prix du lait est incontestablement en amélioration, en dehors du lait bio, il n’est «pas suffisant pour faire face à l’augmentation des charges». Et les coûts des matières premières qui pesaient déjà sur les entreprises en 2021 seront, selon Jean-Luc Jacobi, «sans commune mesure» depuis la déclaration de guerre de la Russie en Ukraine. Il en appelle à «d’indispensables négociations commerciales» pour «passer des hausses qui tiennent compte de nos coûts de production». C’est le principe même de la loi Egalim. Un sujet sur lequel le député Fabien Di Filippo s’était montré très critique lors de la promulgation des textes de la loi Egalim 1. Il dénonçait alors les limites de l’exercice et les risque de captation de la valeur une nouvelle fois par la distribution au travers du mécanisme de seuil de revente à perte. Plus confiant dans le dispositif du texte Egalim 2, il «espère» que la loi répondra aux «aspirations des agriculteurs».
Dans l’analyse des enjeux pour l’agriculture, le député a donc cité le prix avec une nécessaire «prise de conscience du consommateur pour une rémunération attractive des agriculteurs». Il soulignait le défi du renouvellement des générations. Sur le plan européen, Fabien Di Filippo mettait en garde contre les conséquences de la stratégie “Farm to Fork” de la Commission. «Un fondement idéologique» conduisant à «la baisse de la production agricole» et à «la baisse du revenu des agriculteurs». Un écho aux propos du président de la Fdsea qui le précédait à la tribune. Fabrice Couturier avait, quelques instants plus tôt, livré son analyse des orientations de la politique européenne.
Saluant les «bonnes intentions» de la Commission en matière de neutralité carbone ou de biodiversité, il mettait en avant «les services environnementaux assurés par les agriculteurs comme des solutions aux défis» de la société. Mais pour Fabrice Couturier, le «oui à l’environnement» est impérativement conditionné à un «non à la décroissance».
Au cœur de la toute nouvelle réserve de biosphère labélisée par l’Unescco, le président de la Fdsea a souligné «la place des pratiques agricoles dans la reconnaissance de ce patrimoine». Il soulignait aussi la capacité de ces territoires à approvisionner la restauration hors domicile. Mais le propos de Fabrice Couturier était sur ce point à l’attention des élus politiques souhaitant que «la commande publique fasse de la rémunération des producteurs une priorité».