Avec la multiplication des filières se structurant autour du marché de la restauration hors domicile, le projet de «petit Rungis mosellan» revient sur le devant de la scène. Patrick Weiten voit dans ce chaînon manquant des circuits courts, la clef de la réussite. La rémunération des producteurs reste un sujet de préoccupation.
«Produire pour nourrir en Moselle» était le thème de la table ronde organisée en marge de la session de printemps de la Chambre d’agriculture de la Moselle. Sujet aux nombreuses entrées et pour lequel l’organisme consulaire s’est concentré sur la restauration hors domicile (Rhd).
Autour du président Lerond, quatre invités.
Deux acteurs de la Rhd, Isabelle Desclozeaux (responsable Projet Alimentaire territorial, Société Sodexo) et Maud Minzière (responsable Achats et marchés Public, Passion Froid - Pomona).
Deux élus aussi, en raison de la puissance d’achat que représentent les collectivités territoriales au travers des outils de restauration qu’elles maîtrisent. Les collèges pour le Département, mais pas seulement puisqu’il a la main pour les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) aussi. Patrick Weiten évalue ainsi le potentiel de la collectivité qu’il dirige à quelque «10 millions de repas servis par an», mais selon ses propres termes, dans «un marché qui n’est pas structuré».
Une logistique complexe
Du côté de la Région Grand Est, le potentiel s’avère tout aussi important avec l’ensemble des lycées des dix départements. Mais là aussi, le chantier suppose un investissement dans la durée. Patrick Bastian, en charge du programme «Adage, pour une Alimentation Durable et Autonome en Grand Est» a témoigné du travail accompli. Le conseiller régional a pris par le menu les étapes de ce programme, initié en 2022 avec la volonté d’améliorer l’offre en produits durables et locaux de qualité, dans la restauration collective.
«Impératif de réussite dans une logistique complexe», «écoute des contraintes des cuisiniers», «sécurisation des approvisionnements», «volatilité des effectifs dans les cantines», «gaspillage alimentaire», «contraintes budgétaires des gestionnaires», l’équation révèle un niveau de complexité qui pourrait décourager.
Il en va de même du cadre réglementaire construit par l’empilement de normes et lois successives. «Je n’ai rien compris», lâchera Patrick Weiten après la présentation, pourtant méticuleuse, de Madame Girard, référente sur le sujet à la Chambre d’agriculture.
Mais le patron du Département a fait fi des obstacles, dénonçant les oppositions entre «le cadre de la loi Egalim» et le développement des circuits courts. «Si j’écris les produits doivent venir de Moselle, je suis condamnable», dénonce-t-il. Pour autant, la Moselle sera le premier département à proposer «une baguette de Moselle dans les collèges». Un marché de 500.000 baguettes par an. Ce «depuis trois ans», «le premier et le seul encore aujourd’hui», se félicite Patrick Weiten.
Le blé aussi
Dernier maillon en cours de finalisation, «un meunier qui approche actuellement des agriculteurs locaux pour l’approvisionnement de cette filière en blé».
Autre produit sur lequel le président du Département a mis ses équipes en mouvement, la viande bovine. Bien plus complexe à entreprendre, aux dires des experts de cette filière, la fourniture de viande bovine aux collèges de Moselle a été réfléchie durant plus de deux années avant d’aboutir à un premier appel d’offres cet hiver.
La volonté politique était de «privilégier d’abord les circuits courts», et «obtenir une bête née en Moselle, élevée en Moselle, abattue en Moselle et découpée en Moselle». En s’organisant dans «la maille départementale», Patrick Weiten affirme «soutenir les agriculteurs dans leurs proximité», avec «un juste prix dans toutes les cantines scolaires».
Après la baguette et la viande bovine, le Département travaille avec les acteurs locaux sur, «les produits issus du maraîchage», où «des initiatives ont été prises, avec des expérimentations qui ont l’air de bien avancer».
La palette s’élargit donc mais avec, selon Patrick Weiten, un chaînon manquant. Il travaille à «un endroit vers lequel les produits convergent et depuis lequel les produits sont distribués dans les collèges», «avec une transformation éventuellement et de la découpe si c’est nécessaire». Ce qu’il nomme «le petit Rungis mosellan». Un acteur économique privé serait prêt à s’engager dans la création d’une surface importante dédiée aux circuits courts, selon Patrick Weiten qui fait de cette étape la clef de la réussite des circuits courts au service de la Rhd maîtrisée par les collectivités.
Le revenu des producteurs
Patrick Bastian a ouvert le débat en invitant à regarder au-delà de la Rhd collective «dans l’intérêt de toutes les filières». Particulièrement en termes de revenu des producteurs. «Un tiers de la Rhd, c’est les collectivités, les deux autres tiers, c’est le commercial, les hôpitaux, les grandes entreprises, où les marchés et les prix sont plus intéressants». Une préoccupation partagée par les producteurs qui attendent de ces filières une rémunération en cohérence avec le principe de construction des prix en marche avant prenant en compte les coûts de production.
C’est Fabrice Couturier qui s’est fait la voix de cette préoccupation professionnelle. Il félicite le Département de la rémunération que les boulangers obtiennent avec la fourniture de la baguette de Moselle dans les collèges, «ils sont rémunérés pour du pain de qualité, pour leurs efforts et leur travail, au coût de production». Mais le président de la Fdsea attend qu’il en soit de même pour la fourniture du blé aux meuniers. Pour ce marché de niche, «quelques centaines de tonnes pour le département, j’avais demandé 370 €/t payés aux producteurs». Et pour le marché de la viande bovine, la demande de Fabrice Couturier reste la même, «le coût de production». Et de faire la démonstration d’une moulinette des marchés publics laissant la préférence au moins-disant, avec une moindre valorisation à la clef.
Nul doute que le prochain rendez-vous imposera une nouvelle fois le débat sur la rémunération des producteurs. Mais pas seulement. Dans ces filières qui s’organisent, Patrick Bastian a poussé l’idée d’un «accompagnement de la Région Grand Est» dans la réalisation «d’un outil d’abattage de proximité moderne, neuf, avec du steack haché».