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«Le ciseau des prix va se refermer»

Les travaux de la session de la Chambre d’agriculture 57 se sont tenus le 9 mars en présence de David Suck,vice-président du Département, délégué à l’Aménagement du Territoire et à l’Agriculture, et du préfet de Moselle Laurent Touvet. Photo Pierre Divoux
Les travaux de la session de la Chambre d’agriculture 57 se sont tenus le 9 mars en présence de David Suck,vice-président du Département, délégué à l’Aménagement du Territoire et à l’Agriculture, et du préfet de Moselle Laurent Touvet. Photo Pierre Divoux

Le secteur agricole poursuit son adaptation dans un contexte de forte volatilité des marchés. Le président de la Chambre d’agriculture de la Moselle redoute le ciseau des prix qui pourrait «se refermer». Les conséquences du phénomène de décapitalisation de la filière viande bovine, avec son corolaire sur la croissance des volumes de viande bovine importée, inquiètent.

C’est en qualifiant la conjoncture de globalement favorable que le président de la Chambre d’agriculture a accueilli les membres de la session le 9 mars dernier. Une satisfaction pourtant teintée d’inquiétude. «Nous connaissons nos charges», affirme le président de la Chambre, mais il prévient, «le ciseau des prix va se refermer». En perspective, une évolution des cours des productions agricoles «à la baisse». Sans s’étendre sur les postes de charges, il évoquait le tromp-l’œil de la baisse des prix des fertilisants dont le marché s’était emballé avec la flambée des cours de l’énergie. «Les engrais baissent, mais les achats de cette campagne sont déjà faits».

Du côté des prix agricoles, Xavier Lerond entamait un tour d’horizon par la situation particulière de la viande bovine. «La baisse de la production permet de tenir les cours». Un bien pour un mal dans une filière où tous les acteurs observent les conséquences de la décapitalisation, au-delà de son impact sur les marchés. Parmi celles relevées par le président de la chambre, les achats de la restauration hors domicile (Rhd), «qui n’a pas les moyens nécessaires» et s’approvisionne en ayant plus recours à l’importation. Et si la consommation de viande des Français, contrairement aux idées reçues, «reste stable», on constate un transfert des volumes, des achats des ménages vers la Rhd. Une tendance qui alimente le phénomène de croissance des volumes de viande bovine importée.

Décapitalisation

Cette nouvelle donne du marché de la viande bovine avait été dénoncée par les élus de la Fédération Nationale Bovine, début février à Metz. Le ministre Fesneau y avait été interpellé et l’association spécialisée de la Fnsea avait alerté sur la substitution des volumes disparus en conséquence de la baisse des abattages nationaux, par des volumes importés. Des importations dont la hausse devraient se poursuivre en 2023 selon les données de l’Institut de l’Élevage.

Le phénomène de décapitalisation du cheptel bovin touche également la filière ovine. Un élu Chambre d’agriculture complétait plus tard dans la matinée ce propos en dénonçant «la nouvelle Pac» comme accélérateur de la décapitalisation du cheptel ovin en Moselle.

Dans son tour d’horizon, le président de la Chambre d’agriculture a rapporté la bonne tenue des cours du porc. La cotation dépasse la barre des 2 euros.

Pour le lait, les céréales et les oléoprotéagineux, Xavier Lerond incitait à «surveiller l’évolution des marchés». Au moins pour ces deux derniers produits, la géopolitique s’avère encore, pour l’avenir proche, un des principaux leviers de la très forte volatilité des cours. Quant au marché du lait, un membre de Chambre d’agriculture confirmait la tendance à «la baisse des prix» mais se voulait quelque peu rassurant puisqu’il ne serait «pas constaté de croissance forte de la production dans les grands bassins mondiaux».

Communication

Le Salon de l’agriculture a fermé ses portes le 5 mars et le bilan de la fréquentation est très bon. Plus de 615.000 visiteurs ont été recensés sur un peu plus d’une semaine. «Une belle édition» pour le président de la Chambre d’agriculture, satisfait de l’engagement renforcé du Département dans les moyens mis au service de la «promotion des produits agricoles mosellans et le tourisme». Cette grande vitrine de l’Agriculture, après une édition 2022, la première depuis le Covid, avec 500.000 visiteurs, a vu défiler un public nombreux. Une affluence qui n’atteint pas le record de 2014, avec 700.000 visiteurs, mais qui se rapproche de l’affluence de l’avant pandémie. Xavier Lerond compte bien surfer sur cette affluence retrouvée lors de la prochaine édition d’Un Dimanche de Fête à la Campagne. En Moselle, la date du 7 mai a été retenue pour l’événement.

David Suck, vice-président, délégué à l’Aménagement du Territoire et à l’Agriculture, justifiait l’engagement du Département «avant tout parce que l’Agriculture est une puissance économique», mais aussi une activité «essentielle de l’aménagement du territoire». L’élu s’est attaché dans son propos à la tribune de la session, à montrer «le chemin encore à parcourir» pour se doter des «capacités à valoriser les productions locales sur notre territoire».

Pour illustrer son propos, David Suck a annoncé, pour la viande bovine, «un marché à venir de 85.000 à 90.000 kilos pour les collèges de Moselle». Une annonce dont le Département souhaite qu’elle profite aux éleveurs. Mais la viande bovine n’est pas la seule concernée par cette évolution dans les attentes de la commande publique.  David Suck appelle de ses vœux la «massification d’une offre dans les autres filières». Des changements pour lesquels il a réaffirmé «la capacité du Département à accompagner l’agriculture».

Le préfet a, lui aussi, montré des services de l’État «aux côtés des agriculteurs» pour «stimuler ensemble nos capacités d’adaptation». L’agriculture en a déjà fait la démonstration. Mais le préfet Touvet a prévenu, «les bouleversements démographiques, géopolitiques, ce n’est pas fini» et les «aléas du changement climatique seront plus fréquents, plus longs et plus violents».

Ce 9 mars était aussi, pour les membres de la chambre consulaire, le rendez-vous de présentation du compte financier 2022. Charge au directeur, Éric Berton de détailler, des dépenses et des recettes en hausse, une fiscalité affectée stable, pour un résultat de 35.658 euros.

Innovation, recherche et développement

Pour répondre aux enjeux sociétaux et sécuriser les systèmes d’exploitation, le réseau des Chambres d’agriculture travaille sur les leviers de l’innovation, de la recherche et du développement agricoles.

Pour présenter les dispositifs mis en œuvre, trois experts du Grand Est se sont relayés à la tribune de la session du 9 mars. Richard Cherrier, directeur général de la Chambre d’agriculture 54, Frédéric Pierlot de la Chambre régionale d’agriculture Grand Est, et Claude Rettel, responsable du service agronomie à la Chambre d’agriculture 57, se sont succédé pour présenter la stratégie développée régionalement. Ils ont détaillé le processus de décision permettant aux élus consulaires de définir les orientations stratégiques. Sur la base de plusieurs exemples de projets conduits dans le Grand Est, ils ont particulièrement détaillé les moyens de diffusion des connaissances acquises, auprès des conseillers des chambres d’agriculture et des agriculteurs.