Pour être là demain, au sens de la performance économique, la production d’énergies peut être une piste de diversification. Une hypothèse réaliste selon Fabrice Couturier qui proposait d’analyser le marché de l’énergie et d’évaluer les potentialités pour les entreprises agricoles.
«L’agriculteur du XXIe siècle sera énergiculteur ou ne sera pas». Formule brutale du président de la Fdsea pour introduire la table ronde organisée à l’occasion de l’assemblée générale de la Fdsea. «Serons-nous contraints à investir cette diversification ?» Une hypothèse réaliste selon Fabrice Couturier qui décryptait les propos d’Emmanuel Macron prononcés le 28 janvier dernier. «Le président de la République faisait un lien entre agriculture et énergie dans la future Loi d’orientation et d’avenir. Il envisage de conditionner les aides à l’installation, à des objectifs en matière de production d’énergie». Un propos qui revêt une résonance particulière dans un environnement où, le prix de l’énergie est une préoccupation.
Une piste de diversification
«Notre premier métier est de nourrir la population, et notre premier combat est celui de la défense de nos prix de vente», affirmait en préambule Fabrice Couturier, «mais pour être là demain, au sens de la performance économique, la production d’énergies peut être une piste de diversification répondant aussi à des objectifs de sécurisation d’accès à l’énergie pour l’entreprise agricole».
À l’occasion de son assemblée générale, la Fdsea a sollicité plusieurs acteurs en capacité d’aider les agriculteurs à analyser le marché de l’énergie mais surtout de proposer des solutions pour transformer les contraintes de cet environnement inflationniste des coûts de production, en opportunités.
Étaient invités pour cette table ronde, la conseillère transition énergétique du Crédit Agricole, Laura Tortosa ; La conseillère “Sortie de crise” à la DdFip, Diane Gondolff ; le responsable adjoint Grand Est de TotalEnergies, Pierre Taborelli.
La charge de donner un cadre aux travaux de la table ronde a été confiée à Yves Leroux, enseignant chercheur à l’Ensaia de Nancy. Un fin connaisseur de l’agriculture mosellane qu’il explore de longue date et en particulier depuis 2008, où les assises de l’agriculture départementale avaient été pilotées techniquement par l’Ensaia de Nancy.
Dans un mix énergétique mondial constitué à 80 % d’énergies fossiles, et une croissance mondiale -au moins depuis les cinquante dernières années- directement liée à la consommation énergétique, «si on veut du Pib [produit Intérieur Brut], on aura du CO2». Une démonstration rapidement admise par l’assistance, mais qui pose problème au regard de la feuille de route fixée par l’Union européenne et l’État, pour l’agriculture.
«Il est question de transition entre le modèle agricole que nous avons connu, et celui qui se dessine», pose le chercheur. Et cette transition s’opère, dans des conditions environnementales contraignantes avec «l’obligation de réduction de l’émission de gaz à effet de serre ou encore la stratégie nationale bas carbone».
Cette transition doit se réaliser sous contraintes, avec en premier lieu, «une production végétale qui n’est pas infinie, mais aussi en intégrant que la première fonction de l’agriculture est de nourrir les Européens», a rappelé Yves Leroux. Il soulignait au passage «la coresponsabilité de l’élevage et des cultures dans un système agricole et alimentaire qui a multiplié par dix sa productivité depuis 1940» dans une très forte dépendance à l’énergie, et d’autres ressources «qui génèrent des externalités négatives».
Neutralité carbone
Avec pour toile de fonds la neutralité carbone que s’impose l’Europe à l’horizon 2050, la stratégie bas-carbone de la France implique une division par 6 des émissions de gaz à effet de serre (Ges). Au regard de son poids dans la balance des Ges, «l’agriculture sera le secteur de l’économie le moins touché par cette contrainte et devra diviser par deux ses émissions», selon Yves Leroux.
Une multitude de scénarios proposent des pistes d’adaptation, plus ou moins réalistes, pour parvenir au résultat escompté. Le chercheur s’est arrêté sur deux d’entre eux, proposés par l’Ademe. Ils appellent tous les deux, comme l’ensemble des scénarios européens, «une modification de notre régime alimentaire avec une baisse de la consommation de viande», explique Yves Leroux.
Mais surtout, «ils remettent, tous les deux, les territoires ruraux au cœur de la problématique et les agriculteurs y sont producteurs d’énergie».
Des solutions
Alors que la France n’a pas encore rempli ses objectifs en termes de production d’énergies renouvelables, Pierre Taborelli voit l’opportunité pour les agriculteurs, de porter des projets.
Les intervenants de la table ronde ont ainsi évoqué les différentes pistes de l’éolien, du photovoltaïque ou encore de la méthanisation. Sur la base d’exemples de démonstrateurs développés par TotalEnergies ou d’expérimentations conduites par l’Ensaia à la Bouzule, la faisabilité de projets individuels ou collectifs présage de la multiplication des équipements.
Et pour accompagner cette transition, la conseillère transition énergétique du Crédit Agricole, Laura Tortosa, a présenté les solutions d’accompagnement proposées aux porteurs de projets.
Reste à construire les synergies, entre ces différents acteurs, au service de la transition énergétique du territoire.