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L’accord de libre-échange Ue-Nouvelle-Zélande

En viande bovine, l’accord prévoit des contingents tarifaires supplémentaires de 10.000 tonnes à importer avec un droit réduit de 7,5 %. Photo DR
En viande bovine, l’accord prévoit des contingents tarifaires supplémentaires de 10.000 tonnes à importer avec un droit réduit de 7,5 %. Photo DR

L’accord politique de libre-échange signé par la Commission européenne et la Nouvelle-Zélande a suscité l’émoi dans les rangs du syndicalisme agricole. Quelles conséquences doit-on craindre pour l’économie agricole du territoire européen ?

Après plusieurs cycles de négociation depuis juin 2018, la Commission européenne et la Nouvelle-Zélande ont conclu un accord permettant des accès au marché facilités pour les produits agricoles et la mise en œuvre de quotas pour les produits sensibles (produits laitiers, viande bovine et ovine). Mais qu’en est-il des échanges commerciaux entre ces deux identités ? Quelles conséquences doit-on craindre pour l’économie agricole du territoire européen ? Autant de questions dont les réponses inquiètent la profession.

Marchandises et services

Le commerce bilatéral actuel de l’Ue avec la Nouvelle-Zélande s’élève déjà à 7,8 milliards d’euros par an pour les marchandises et à 3,7 milliards d’euros pour les services. L’Union européenne exporte vers la Nouvelle-Zélande des marchandises d’une valeur de 5,5 milliards d’euros par an et importe des produits néo-zélandais pour un montant de 2,3 milliards d’euros, soit une balance commerciale bénéficiaire pour l’Ue de 3,2 milliards.

Pour les Services, l’Ue exporte plus de deux fois plus qu’elle n’importe : 2,6 milliards d’euros de services fournis par des entreprises de l’Ue à des clients en Nouvelle-Zélande contre 1,1 milliard d’euros de services fournis à des clients de l’Ue par des entreprises de Nouvelle-Zélande, soit une balance commerciale bénéficiaire pour l’Ue de 1,5 milliard.

Ce n’est qu’en ciblant spécifiquement le secteur agricole et alimentaire, que la Nouvelle-Zélande est structurellement bénéficiaire, de 750 millions d’euros en 2021. Une spécificité qui n’a pas échappé aux responsables professionnels agricoles.

L’accord politique de libre-échange signé par la Commission européenne et la Nouvelle-Zélande, la libéralisation de la quasi-totalité des droits de douanes va conduire à un renforcement de ces flux commerciaux. C’est la finalité même de ce texte.

Spécificité pour le secteur agricole

L’accord signé le 30 juin prévoit un accès substantiel au marché de l’Ue sur des produits déclarés sensibles avec des Contingents Tarifaires pour les produits laitiers, la viande ovine et la viande bovine, qui viendra dégrader la balance commerciale européenne sur les produits agroalimentaires, structurellement déjà négative. «Les produits de l’Ue sont déjà compétitifs sur ce marché de 4,8 millions d’habitants, ce qui laisse peu de marge pour obtenir des bénéfices au profit du secteur agricole de l’Ue», analyse la Fnsea dans une note technique diffusée auprès de son réseau.

L’accord protégera - c’est une bien maigre contrepartie - la liste complète des identifications géographiques des vins et spiritueux de l’Ue. Ainsi, les noms de vins historiques utilisés en Nouvelle-Zélande, tels que «Porto» et «Sherry», seront progressivement éliminés en Nouvelle-Zélande au fil du temps. À noter que le Gruyère ou le Parmesan pourront continuer à être produit en Nouvelle-Zélande, même avec cet accord. De quoi attiser la colère des acteurs de la filière laitière.

L’Ue a obtenu l’élimination de tous les droits de douane sur tous les produits, pour ses exportations vers la Nouvelle-Zélande, y compris la viande porcine, le vin et le vin mousseux et les produits laitiers, dont le fromage. Mais on a dit plus haut les limites de l’impact commercial de cette évolution.

Développement durable

L’accord comprend un chapitre consacré aux systèmes alimentaires durables et au bien-être des animaux. La Commission a informé qu’il contient des engagements plus forts et plus contraignants en matière de durabilité, y compris des engagements en faveur de l’accord de Paris sur le climat.

Toutefois, l’accord ne précise aucune molécules spécifiques, ni d’engagement contraignant sur la réciprocité des normes, à l’exception des antibiotiques utilisés comme facteur de croissance (déjà prévu dans la législation européenne, même si pas encore mis en œuvre).

Ce n’est que par la réduction des tolérances à l’importation pour les “limites maximales de résidus (Lmr)” que des contraintes pourraient être mise en œuvre. Ce n’est que par une discussion volontaire sur la durabilité que certaines évolutions pourraient avoir lieu. Des produits agricoles ayant des modes de production utilisant l’Atrazine ou le Diflubenzuron (utilisé sur prairie et cheptel ovins) pourront continuer à être importés dans l’Ue. À noter que la Nouvelle-Zélande inclura dans la discussion volontaire certains produits phytosanitaires utilisés dans l’Ue mais interdit en Nouvelle-Zélande.

Suite de la procédure

La prochaine étape sera la finalisation juridique des textes, qui ne sont donc pas encore disponibles. Puis viendra le processus de ratification, par le Parlement européen et le Conseil de l’Ue (à la majorité qualifiée) et l’Assemblée Nationale néozélandaise, et dans un second temps par l’ensemble des États membres de l’Ue. Une absence de validation par l’une des ces deux instances européenne bloque la mise en œuvre. C’est le cas de l’accord signé avec le Mercosur.

Un vote positif au Parlement européen et par le Conseil de l’Ue, ouvre la voie à une mise en œuvre provisoire de l’accord sur les sujets de compétence exclusive de l’Ue, dont font partie les sujets agricoles, droits de douanes, contingents et identifications géographiques, mais pas les chapitres investissements ou développement durable. C’est le cas de l’accord signé avec le Canada.

Une ratification par l’ensemble des États membres est ensuite nécessaire pour les accords mixtes afin d’assurer la mise en œuvre totale de l’accord. Il n’y a pas de délais limite pour cette ratification.