Entre conjoncture économique et situation sanitaire, la session Chambre d’agriculture ne manquait pas de sujets difficiles.
Jeudi 12 septembre, la Chambre d’agriculture se réunissait en session dans la salle de l’auditorium du Crédit Agricole de Lorraine à Metz.
La conseillère en agronomie environnement de la Chambre d’agriculture de la Moselle, Aurélie Backes, fait un point sur la climatologie de l’année : «2024 restera exceptionnelle en ce qui concerne les températures même si nous avons l’impression du contraire en raison du manque d’ensoleillement». Aurélie Backes note que les mois d’août, octobre, novembre et mai sont les mois les plus humides de l’année avec le double de précipitations par rapport à la normale. Pour la conseillère, la forte pluviométrie associée au faible rayonnement sont les principaux facteurs expliquant la faible productivité de l’année. En conséquence, de nombreuses parcelles n’ont pas pu être semées ou ont été ressemées totalement ou partiellement. Le phénomène a été très marqué dans les zones hydromorphes.
Arnaud Gresset, chef du service élevage à la Chambre d’agriculture de la Moselle, aborde les fourrages : «la mise en pâture s’est étalée comme les récoltes sur des périodes très longues. La grande difficulté pour les agriculteurs a été d’adapter le chargement. L’herbe était présente mais la portance n’était pas au rendez-vous, une équation impossible à résoudre tout au long de la saison». Au niveau des ensilages d’herbe, le technicien émet une alerte sur la qualité des fourrages et sur la présence de mycotoxines «avec un impact sans doute négatif sur la production laitière et la qualité du lait». Concernant les foins, de bons rendements sont constatés mais là encore, globalement avec de mauvaises valeurs alimentaires voire la présence de poussière et des mycotoxines. Sur l’ensilage de maïs, Arnaud Gresset se veut confiant concernant les rendements et la qualité de ce fourrage dont les chantiers de récolte vont s’étaler jusqu’au 15 octobre. Le chef du service élevage préconise «de faire des analyses de fourrages pour limiter au maximum les achats de concentrés et des bilans fourragers pour permettre de donner le meilleur aux animaux les plus productifs». Pour ceux ayant eu des prairies piétinées avec une bonne partie de la flore détruite, les services élevage et agronomie se tiennent à disposition des éleveurs pour travailler sur le repeuplement de ces prairies.
Le bio en difficulté
Le président d’Unicoolait, Jean-Luc Jacobi, estime que «la crise laitière est devant nous» avec une production laitière qui s’effondre pour différentes raisons : la moindre qualité des fourrages, la paille de mauvaise qualité, la Fco et un manque de trésorerie empêchant d’acheter des aliments. Pour la production bio, Jean-Luc Jacobi constate que «c’est la double peine» avec des faibles récoltes en céréales et le prix des aliments bio qui monte.
Pour Michel Torlotting, «la situation en agriculture biologique est encore plus compliquée qu’en conventionnel avec des parcelles non récoltées ou des récoltes abîmées qui ne peuvent pas être conservées». L’exploitant craint que cette situation pousse à la déconversion de nombreux agriculteurs biologiques qui s’interrogeaient déjà avant moisson.
Le responsable du service économie à la Chambre d’agriculture, Christophe Marconnet, cherche à transcrire les effets de l’année sur la trésorerie des exploitations. Sur la base de données provisoires, sans intégration de l’effet Fco, le conseiller présente une simulation sur une ferme de 160 ha avec un produit de 900 € par hectare et une marge de 400 € par hectare, soit une perte de chiffre d’affaires de 300 € par hectare par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Christophe Marconnet s’interroge sur l’impact de trésorerie immédiat : «c’est de la trésorerie que l’on n’a pas pour solder les appros que l’on a pris pour cette moisson 2024, pour faire face aux engagements financiers et remettre en place la nouvelle campagne». Les prix d’acompte pourraient représenter 85 % du prix final avec peu de compléments à venir. Suivant la spécialisation des exploitations, le revenu disponible par hectare serait de - 44 € en système céréales, + 158 € en système céréales viande et + 369 € en système lait.
Le responsable du service économie veut avoir un discours de vérité face à la trésorerie qui sera dégradée dès cet automne : «Certaines exploitations disposent d’une capacité de résilience mais certaines n’en ont plus parce qu’il y a déjà eu l’année 2023 qui était une mauvaise année en céréales. Notre vision, c’est que les exploitations de 100 à 150 hectares spécialisées en céréales seront les premières impactées et le plus durement car il n’y a pas d’autres productions pour faire le palliatif».
Prendre de l’avance pour ne pas être devant le fait accompli
Christophe Marconnet explique que «l’agriculteur n’est pas responsable des aléas mais en tant que chef d’entreprise, il doit prendre des décisions de gestion engageantes. Il y a un travail collectif pour sensibiliser les agriculteurs à ne pas attendre le dernier moment pour dire j’ai des soucis, qu’est-ce que je fais, qui va pouvoir me donner un petit coup de pouce». Il considère «qu’il est indispensable de faire un travail sur la prévision de trésorerie, il faut se poser et savoir à peu près où l’on va en termes de chiffre d’affaires, de marge et de trésorerie». Le responsable du service économie liste un certain nombre de leviers pour répondre à ces problèmes : allonger les délais de règlement, accompagnements à court terme par les opérateurs, modulation des échéances et leasing, réintégrer la Dep, comprimer les prélèvements, raisonner ses dépenses pour 2025…
Le président du Crédit Agricole de Lorraine, Denis Piard, ajoute que «les Opa sont mobilisées et proactives pour aider les agriculteurs à surmonter cette crise». L’élu regrette qu’en l’absence de ministre de l’Agriculture, «il n’y a pas de soutien avéré sur les aides d’urgence».
La vaccination est nécessaire
Le directeur de la Direction Départementale de la Protection des Populations de Moselle, Rabah Bellahsene, fait un point de situation sur le développement de la fièvre catarrhale ovine (Fco) et la maladie hémorragique épizootique (Mhe).
La Fco - sérotype 3, peut impacter toutes les grandes fonctions de l’animal touché entraînant une mortalité élevée en ovins (30 %) comme en bovins (10 %). Cette maladie est réglementée impliquant des mesures de restrictions en termes de mouvement et une déclaration obligatoire. Pour le vétérinaire, la déclaration des cas de Fco est d’autant plus nécessaire que demain cela pourrait permettre d’identifier un élevage touché en vue d’avoir des indemnisations.
Face au développement rapide de la Fco, le directeur de la Ddpp incite les agriculteurs à vacciner pour diminuer les effets de la maladie. Au 10 septembre, 211.657 doses ont été livrées en Moselle (142.509 doses bovins et 69.150 doses ovins). Xavier Lerond, président de la Chambre d’agriculture regrette que la vaccination n’ait pas pu avoir lieu en mai dernier pour limiter les conséquences sanitaires et économiques de la maladie.
Autre sujet, la peste porcine africaine qui se rapproche de la France. Le cas le plus proche a été détecté en Allemagne à 78 km de nos frontières. Le niveau de surveillance a été renforcé.
Face au manque de vétérinaires, Rabah Bellahsene donne des signes d’espoir. Les effectifs dans les écoles vétérinaires augmentent grâce à l’ouverture d’une cinquième école. En 2030, 840 vétérinaires seront diplômés par an contre 480 aujourd’hui. Concernant la problématique sur le nord de la Moselle, le représentant de la Ddpp propose de travailler avec l’ensemble des parties prenantes pour trouver des solutions pragmatiques. Il envisage de travailler avec des vétérinaires du Luxembourg ou de la Belgique sous réserve d’assouplissements réglementaires.