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État d’urgence sur l’élevage

Maximin Charpentier : «Les contraintes subies par l’élevage ne sont plus acceptables». Photo Jean-Luc Masson
Maximin Charpentier : «Les contraintes subies par l’élevage ne sont plus acceptables». Photo Jean-Luc Masson

La profession agricole attend «un signal politique fort pour dire que l’élevage a de l’avenir dans ce pays». Les indicateurs mis en lumière lors de la session de la Chambre régionale d’agriculture clignotent au rouge.

Lors de la session de la Chambre régionale d’agriculture du Grand Est (Crage) qui s’est tenue le 23 septembre, au siège de l’Agence de l’eau, à Rozérieulles, c’est un véritable cri d’alarme qui a été poussé, relatif à la situation de l’élevage. Au sortir d’une campagne marquée par la sécheresse, l’agriculture régionale «caractérisée par la polyculture-élevage, voit sa rentabilité remise en cause à travers différentes injonctions», a entonné le président Maximin Charpentier.

Pas logés à la même enseigne

Plusieurs indicateurs mis en relief dans les notes de conjoncture clignotent au rouge. Les tensions sur les intrants, engrais et énergie, s’accentuent et provoquent une envolée des charges. Après l’embellie de la précédente saison, la campagne fourragère 2022 se solde par des récoltes limitées, en raison d’une pluviométrie restreinte au printemps et à l’été. Le maïs ensilage a subi des fortunes diverses et se traduit par une grande hétérogénéité de rendement.

Autant de facteurs qui se traduisent par une baisse généralisée de la production laitière, théoriquement favorable à la hausse des prix. La moyenne Grand Est pour le lait conventionnel ressortait à 437 €/1.000 l, au mois de juin, soit + 21 %/juin 2021. Mais tous les producteurs ne sont pas logés à la même enseigne, une forte variabilité est vécue, en fonction des laiteries acheteuses. Et le prix allemand qui ressortait en juillet à 540 €/1.000 l pose aussi question. La prise en compte du coût de production, rendue obligatoire par la loi Egalim 2, n’est manifestement pas respectée à l’échelle de la grande distribution.

Concernant la viande bovine, la sécheresse accentue encore une décapitalisation entamée dès 2016. Un contexte de pénurie qui agit favorablement sur les cotations, lesquelles atteignent des niveaux historiques, mais là encore dans un contexte inflationniste des intrants.

«L’ensemble des contraintes subies par l’élevage ne sont plus acceptables, reprend Maximin Charpentier, il faut donner un signal politique fort, pour dire que l’élevage a de l’avenir. Sans quoi, il ne sera plus possible d’installer ; et sans élevage dans les territoires, impossible de répondre aux préoccupations sociétales». Le président de la Frsea, Hervé Lapie, appuie sur la nécessité de «faire passer des hausses sur le prix du lait, l’agriculteur ne doit pas demeurer la variable d’ajustement». Au chapitre des contraintes imposées à l’exploitant, il appelle «à revoir la copie sur la future Directive Nitrates, en remettant l’agronomie au centre de la discussion».

Être confiant, construire avec les filières

L’élu mosellan, Jean-Marc Brême, insiste sur la détresse vécue par certains éleveurs, établissant une distinction entre les gestionnaires et ceux qui ne comptent pas et ne s’en sortent pas. «Beaucoup persistent par amour de leurs bêtes, la passion a encore une emprise sur ce métier». Le président de la Chambre d’agriculture des Vosges, Jérôme Mathieu, estime «qu’il faut être confiant, optimiste, construire avec les filières et dire que l’élevage est une solution pour répondre aux enjeux de paysage et de valorisation des territoires. Il faut simplifier la vie des éleveurs». Bruno Faucheron, le président du pôle élevage des Ardennes, en appelle à une adaptation de la fiscalité, regrettant que bon nombre d’exploitants paient de l’impôt sur un bilan fourrager 2021 important, alors que leur stock fond en 2022.

Le président de la Chambre de la Meuse, Jean-Luc Pelletier, fait valoir sa préoccupation sur le renouvellement des générations «il nous faut un métier sexy qui attire les jeunes». Son homologue mosellan, Xavier Lerond, considère qu’il faut continuer à se battre sur la souveraineté alimentaire, en obtenant la revalorisation du prix du lait. Il pointe le danger «de voir se reproduire pour le lait, le schéma qui s’est imposé à la viande : l’importation de produits dont on ne veut pas», car non soumis aux mêmes normes sanitaires et qualitatives.

Trouver le point de compétitivité

La Région travaille sur son projet «Agriculture 2030» dont il a été abondamment question sur la foire de Châlons, et qui devrait aboutir avant la fin de l’année. «Il nous faut un véritable plan d’adaptation de l’agriculture, réclame Maximin Charpentier, afin de tester nos exploitations une par une. Il va falloir embarquer massivement, une stratégie nouvelle, alors que nos habitudes sont plutôt d’agir au fil de l’eau, mais il y a urgence, particulièrement en élevage». Le président de la Chambre régionale imagine un «plan d’accompagnement pour trouver le point de compétitivité de la ferme de demain», avec du soutien en trésorerie pour passer le cap, ou s’arrêter s’il n’y a pas d’issue.

Béatrice Moreau, la vice-présidente de la commission agriculture-viticulture-forêt du Conseil régional, souscrit à cette réflexion sur la base d’une stratégie «anticiper, accompagner, accélérer». Elle reprend les mots-clés du projet Agriculture 2030 : souverainetés énergétique et alimentaire ; santé : sol-air-eau ; bioressources et y ajoute «la sérénité». Béatrice Moreau reprend les propos de son président Jean Rottner «nous trouverons les moyens de maintenir des hommes et des femmes dans les territoires». Et considère que les évolutions technologiques vont ouvrir de formidables opportunités aux jeunes, demain. La préfète, Josiane Chevalier, qui a suivi toute la session, a, elle aussi, apporté son soutien, concluant sur les trois E qui caractérisent selon elle «ces métiers de passion de l’agriculture : énergie, engagement et enthousiasme».