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As Cefigam travaille à «éclairer les décisions des chefs d’entreprises»

En solidarité avec le mouvement de mobilisation de la profession agricole, l’Agc avait retourné sa banderole en tribune. Photo Pierre Divoux
En solidarité avec le mouvement de mobilisation de la profession agricole, l’Agc avait retourné sa banderole en tribune. Photo Pierre Divoux

Alors que la ferme Moselle était en situation «plutôt favorable en 2022», les résultats ne sont pas du même acabit «pour l’année écoulée, particulièrement pour les céréales».

Le hasard du calendrier a voulu que l’Association de Gestion et de Comptabilité (Agc) tienne ses travaux d’Assemblée générale «alors que la profession agricole traverse une période troublée». Par ces mots, le président d’As Cefigam 57 a donné la tonalité de la matinée, ce mardi 30 janvier à Morhange. Les prises de parole de Marc Schlemer, comme celles de son vice-président, Olivier Rolland, ont fait écho à la situation de crise dénoncée par la profession agricole.

Mais au-delà des slogans, Marc Schlemer a souhaité «un questionnement des plus légitimes sur nos revenus, la compétitivité de nos fermes et de nos filières». Le tout «sur la base de vos résultats économiques». Même credo lorsque Marie-Claude Guichard, présidente du réseau Grand Est Accompagnement Stratégique, était invitée à prendre la parole. Productrice de lait dans la Meuse et présidente de l’Agc partenaire des Mosellans, elle s’était livrée au même exercice devant ses adhérents quelques jours plus tôt.

Trésoreries tendues

Le repli de l’économie agricole a été décortiqué dans ses différentes dimensions. «Diminution des prix, notamment en céréales, en oléoprotéagineux et en fourrages», «dans un contexte où les disponibilités mondiales importantes pèsent sur les cours, et ce en dépit de la poursuite du conflit en Ukraine».

Les participants ont aussi posé le constat de «consommations intermédiaires qui continuent de grimper en valeur en 2023. Sur les prix des engrais et amendements, de l’énergie et des phytos».

«Rien de surprenant donc à ce que les trésoreries de nos entreprises soient tendues», se désole Marc Schlemer. Seuls signes positifs, «les prix des produits animaux sont en augmentation, à la fois en bétail, volailles et en lait».

L’élaboration d’une vision

Dans un contexte géopolitique bouleversé et «des prix de plus en plus volatiles, il est impératif pour nous d’évoluer afin d’accompagner toujours mieux les agriculteurs», propose le président d’As Cefigam 57. Ainsi, il propose de «contribuer aux côtés des adhérents à l’élaboration d’une vision de moyen et long terme de leur activité».

Dans ce sens, le Conseil d’Administration a demandé un éclairage et une grille d’analyse à Éric Hallé, conseiller à l’Agc.

Ce travail avait déjà été réalisé l’année précédente. La ferme Moselle était alors dans une situation plutôt favorable. «Les résultats ne sont pas du même acabit en 2023, particulièrement pour les céréales», prévient Éric Hallé. Une année qui se caractérise «d’abord par une récolte modeste et une vraie déception pour le colza». «Et pour les blés, beaucoup de paille mais une moisson décevante également».

Sur les prix, c’est la soupe à la grimace. Alors qu’il travaille à la préparation de son intervention, «la veille, le marché du blé affiche 166 € la tonne». Entre «rendements décevants et prix en berne, le résultat par hectare chute de 500 € par rapport à 2022». L’Ebe baisse de 60 % pour s’établir autour de 370 €. «Dont 250 € partent au remboursement de l’emprunt», précise le conseiller. «Dans les systèmes céréaliers, on couvre à peine les annuités», alerte Éric Hallé. Lors de l’analyse des résultats pour les systèmes laitiers, la prudence était de mise en raison «de différences significatives des politiques de prix de rachat entre les entreprises de collecte intervenant sur le territoire mosellan».

Et pour 2024 ?

Les premières tendances laissent apparaître «des approvisionnements qui tendent à retrouver un prix proche de 2022», constate- t-on dans les comptabilités. Mais Éric Hallé prévient, «les charges de structures sont durablement élevées». S’ajoutent à cet avertissement, «des prix incertains pour les cultures de vente». Pour les productions animales, les données collectées montrent «des prix corrects mais avec une forte pression à la baisse». En conclusion, les adhérents ont été invités «à la plus grande prudence pour la prochaine campagne».

À l’issue de la présentation de la situation économique de la Ferme Moselle, Marc Schlemer insistait sur «la nécessité d’utiliser à bon escient l’analyse des chiffres afin d’éclairer les décisions des chefs d’entreprises», particulièrement «au moment de l’installation ou lors d’arbitrages sur les investissements».

Poursuivre les efforts

Cependant, «ce contexte particulier ne doit pas entamer les efforts d’innovation que nous poursuivons dans nos fermes mais aussi dans notre Association de Gestion et de Comptabilité» prévient Marc Schlemer. Aussi l’Agc «s’investit dans la préparation de la petite révolution que va être l’arrivée de la facture électronique».

C’est un fait, le numérique occupe une place toujours plus grande, dans les exploitations agricoles aussi. Les adhérents ont ainsi pu découvrir en direct l’utilisation du «Bureau numérique que l’Agc met, sous conditions, gratuitement à disposition de chacune des entreprises».

Cette trajectoire de digitalisation s’inscrit dans un contexte de «progression du nombre de clôtures de 3 %», explique Olivier Rolland. Une tendance à la hausse qui se confirme sur le nouvel exercice.

La matinée s’est clôturée avec l’intervention de Fabrice Couturier, président de la Fdsea, membre fondateur de l’Agc.

«Les agriculteurs sortent de leur ferme, c’est qu’il y a de bonnes raisons».

Optimisme

Pour le patron du syndicalisme majoritaire, le mouvement entamé depuis plusieurs jours «s’inscrit dans la durée». D’abord parce que «les annonces du tout nouveau Premier ministre ne sont pas à la hauteur de nos attentes». «Rien de concret sur l’élevage, rien non plus sur l’installation et la transmission ou les Dja en souffrance, rien sur la simplification environnementale», constate Fabrice Couturier. Ensuite, de façon plus générale, «parce que nous avons besoin de 100 % de nos capacités de production», martèle le président de la Fdsea. Il a ainsi attiré l’attention sur «le caractère une nouvelle fois temporaire de la dérogation jachère», ou encore «les impasses techniques» en conséquence des surtranspositions de la réglementation phyto en France.

Fabrice Couturier s’est pourtant affiché dans une posture «volontariste et optimiste», autour d’une «dynamique collective de cohésion de la profession agricole» et de ses «organisations professionnelles et syndicales Fdsea, Ja», où «tout le monde défend les mêmes dossiers».