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Agence de l’eau Rhin-Meuse : Cartes sur table à Rozérieulles

Sur le dossier de l’eau, Fabrice Couturier regrette qu’en plus de la pression réglementaire, il y a une pression psychologique difficilement supportable qui s’exerce à l’encontre des agriculteurs. Photo Cédric Coillot
Sur le dossier de l’eau, Fabrice Couturier regrette qu’en plus de la pression réglementaire, il y a une pression psychologique difficilement supportable qui s’exerce à l’encontre des agriculteurs. Photo Cédric Coillot

Des manifestants Fdsea et Ja ont provoqué un dialogue avec l’Agence de l’eau et le préfet de la région Grand Est de la gestion de l’eau.

Jeudi 28 novembre, une quarantaine d’agriculteurs de Moselle avec une vingtaine de tracteurs se sont retrouvés devant le siège de l’Agence de l’eau Rhin-Meuse à Rozérieulles.

La délégation d’agriculteurs Fdsea et Ja est venue interpeller et demander des comptes à l’Agence de l’eau sur sa politique vis-à-vis des agriculteurs. Le préfet de la région Grand Est, Jacques Witkowski, et des membres de la direction de l’Agence de l’eau sont venus à la rencontre des manifestants.

Pour planter le décor, Denis Simon, président cantonal d’Ars-sur-Moselle, prend l’exemple d’un agriculteur de son canton qui a été mis en accusation par le maire de sa commune après une inondation. Le maire a reproché à l’agriculteur d’être responsable des inondations dans sa commune en coteaux à cause du drainage de ses parcelles alors que ces dernières… ne sont pas drainées. Denis Simon s’oppose à ce que «les drainages soient sans arrêt mis en accusation, alors que le vrai problème, c’est d’avoir construit sans se soucier de la gestion de l’eau».

Rémunérer l’agriculture pour ses actions

Pour le président de la Fdsea de la Moselle, Fabrice Couturier : «ce qui s’est fait ces dernières années en termes d’urbanisation des sols agricoles est tellement important qu’aujourd’hui, on se trouve, faute d’entretien régulier des fossés et des cours d’eau, avec des parcelles agricoles qui deviennent le réceptacle des eaux urbaines. On doit retenir ce qui vient des fonds supérieurs, et dans le même temps, on devrait protéger les fonds inférieurs. Ce sont des rôles pour lesquels nous ne sommes pas habitués et surtout pas rémunérés».

Fabrice Couturier reconnaît que sur l’entretien, il est possible de faire des choses comme l’indique le guide d’entretien des cours d’eau de la Chambre d’agriculture, de l’administration et de l’Agence de l’eau. Mais, l’élu de la Fdsea trouve que ce qui est permis est encore bien peu vu l’ampleur des travaux nécessaires.

La délégation s’inquiète du positionnement de l’Agence de l’eau sur le dossier du drainage. En préambule, le président de la Fdsea rappelle : «en Lorraine, sans drainage agricole et sans aménagement foncier, l’exploitation des parcelles n’est pas possible».

Philippe Goetghebeur, chef de service des espaces naturels et agricoles à l’Agence de l’eau Rhin-Meuse, explique que l’Agence de l’eau n’arrive jamais avec des solutions toutes faites et cherche à mettre tout le monde autour de la table pour trouver des solutions communes : «nous ne mettons jamais de Dup en place avec des actions qui sont rendues obligatoires». La mission de l’Agence, «c’est de trouver un équilibre entre la gestion des écoulements à toute période de l’année et que les cours d’eau conservent leur rôle en digérant les pollutions et continuent d’avoir de la biodiversité».

Pour Philippe Goetghebeur : «il faut trouver un équilibre au niveau du bassin versant en retenant l’eau en amont avec des phénomènes les moins brutaux possibles et d’essayer de trouver des solutions qui conviennent à tout le monde». Concernant le drainage, le responsable de l’Agence pour les questions agricoles ajoute : «le premier souci que l’on a au niveau du drainage est que les eaux de ruissellement des parcelles aillent directement dans les cours d’eau y compris avec les problématiques de pollution diffuse agricole». La solution, pour Philippe Goetghebeur, serait que «les drains n’arrivent pas directement au cours d’eau avec la mise en place des dispositifs de filtration. Sur un bassin versant avec des problèmes d’écoulement, regardons tous ensemble comment on peut tamponner et retenir un peu l’eau en amont».

Pour lui, il faut trouver de nouvelles solutions face au dérèglement climatique. Il prend l’exemple d’un secteur de bassin versant en Meurthe-et-Moselle, dans la vallée de l’Esch, où il y a une problématique de sécheresse de cours d’eau qui se retrouvent à sec en été avec toute la partie amont est drainée : «la discussion est de savoir comment gérer les drainages pour retenir un maximum d’eau durant une partie de l’année». Une des solutions serait de supprimer les drainages sur la forêt pour que son sol redevienne humide. Cela générerait un stock d’eau permettant aux prairies en aval de ne plus se transformer en paillasson durant l’été.

Fabien Potier, technicien à l’Agence de l’eau, tient à rassurer la délégation : «l’arrêt des drainages et la suppression des drainages en zone agricole ne sont en aucune façon une solution acceptable».

La question de l’entretien des cours d’eau fait débat dans la salle. Les agriculteurs reprochent à certains syndicats de rivières un gaspillage de l’argent public. Fabrice Couturier demande à l’Agence de l’eau Rhin-Meuse d’inciter certains syndicats de rivières à être plus efficients en faisant en sorte que l’argent prélevé dans le cadre de Gémapi serve à faire davantage de travaux d’entretien.

Le stockage de l’eau

Le président de la Fdsea, à l’évocation par Philippe Goetghebeur de la nécessité de travailler sur des solutions nouvelles, considère : «qu’à un moment, les idées pourraient déboucher sur des aménagements qui seront nécessaires comme des retenues d’eau». Fabrice Couturier interpelle le préfet de région et les responsables de l’Agence de l’eau pour avoir leur position sur le sujet expliquant que demain, des ouvrages qui pourraient servir à l’agriculture deviendraient multifonctionnels.

Les représentants de l’Agence de l’eau plutôt que de construire de nouveaux ouvrages envisagent de moderniser les étangs existants et éventuellement, d’en rehausser le niveau. Fabrice Couturier prend note de la réflexion de l’Agence qui démontre «l’intérêt d’équipements collectifs nouveaux qui pourraient être à l’initiative des agriculteurs qui seraient concertés avec l’ensemble des acteurs».

Sur la directive nitrates, le préfet de la région Grand Est, Jacques Witkowski, se veut à l’écoute de la profession agricole revendiquant : «une vision pragmatique du sujet» qui s’adapte au territoire. Il explique avoir demandé à la Dreal et la Draaf de voir ce qui peut être amélioré dans le Par 7, à l’exemple de ce qui vient de se faire pour la méthanisation et pour les dérogations sur les dates d’épandages réclamées par le réseau Fdsea-Ja.