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Une moisson particulièrement décevante

La moisson 2024 laisse «un sentiment très amer», selon Vincent Le Ber, responsable céréales chez Lorca. «On n’imaginait pas une grande moisson, c’est pire que prévu». Photo Stéphane Grossin-Anefa
La moisson 2024 laisse «un sentiment très amer», selon Vincent Le Ber, responsable céréales chez Lorca. «On n’imaginait pas une grande moisson, c’est pire que prévu». Photo Stéphane Grossin-Anefa

Les précipitations quasi permanentes depuis l’automne et des orages qui ont ponctué la moisson : c’est le fait marquant de la campagne 2023-2024. Conséquence : le bilan est morose en céréales. Seule culture à s’en sortir honorablement : le colza.

«La moisson 2024 est atypique - mais nous en avons l’habitude depuis quelques années - et surtout décevante, en dehors du colza», introduit David Meder, responsable céréales chez Emc2.

«On n’imaginait pas une grande moisson, mais c’est pire que prévu, en quantité et qualité», corrobore Vincent Le Ber, responsable céréales chez Lorca. «C’est ma trentième moisson et c’est la pire que j’ai connu», confie Gilles Lassagne, directeur du pôle végétal à la Cal. «L’ambiance générale n’est aujourd’hui pas bonne. La moisson a été très complexe dans sa réalisation, elle a été entrecoupée par les orages», complète Jean-Marie Guerber, président du Gpb. La moisson 2024 a clôturé «une année culturale particulière au niveau météorologique».

Si les semis se sont bien passés pour les cultures d’automne, «nous avons eu de l’humidité quasiment en permanence, les cumuls de pluie atteignent le double de ce que nous observons habituellement», observe David Meder. Des précipitations qui ont rendu difficiles les traitements aux champs, notamment herbicides. Conséquences, «les cultures ont été pénalisées. Certaines céréales ont été fauchées en immature, direction la méthanisation», indique Jean-Marie Guerber.

Première culture à décevoir, les orges d’hiver. Sur la zone de la Cal, le rendement moyen tourne autour de 55 q/ha, «une moyenne très basse». Il est de 50-55 q/ha à Emc2. Du côté du Gpb et de Lorca, le rendement moyen peine à atteindre les 50 q/ha, «et encore sans prendre en compte les plus mauvaises parcelles qui sont parties à la méthanisation. Ce sont des niveaux de rendement que nous avions il y a quarante ans», se remémore le président du Gpb.

Côté qualité, les calibrages et les poids spécifiques sont un peu faibles. «Le taux de protéines est correct, il atteint 10,7 % de moyenne», détaille le responsable céréales d’Emc2. «En orge de brasserie, le rendement n’est pas bon mais la qualité est plus conforme qu’en 2023. Les taux de calibrage (76 % pour Faro, 81 % pour Planet) ne sont pas exceptionnels mais légèrement inférieurs à la moyenne quinquennale», complète Vincent Le Ber.

Colza, la bonne surprise

Le colza apparait comme la bonne surprise de l’année. «Ce n’est pas non plus l’euphorie, tempère David Meder. Nous sommes à 32 q/ha de moyenne sur la zone Lorraine». Même constat du côté de la Cal, la moyenne tourne également autour de 32 q/ha. «Tout s’est bien déroulé pour le colza depuis les semis, il y a eu aussi peu de ravageurs», précise David Meder.

Du côté de Lorca, la moyenne se situe aux alentours de 28-29 q/ha. Sur le périmètre du Gpb, Jean-Marie Guerber annonce un rendement moyen de 30 q/ha, avec un taux d’huile élevé, «autour de 45 % alors que la norme est de 40 %. Nous devons beaucoup au progrès génétique».

Blé, ni rendement ni qualité

Le blé est la culture qui déçoit le plus. «Cette année, en blé, il n’y a ni rendement ni qualité», résume Jean-Marie Guerber. Sur la zone Emc2, le rendement moyen atteint entre 55 et 60 q/ah, «mais certainement plus proche des 55 q/ha». Même son de cloche du côté de Lorca, le responsable céréales estime que le rendement moyen se situe entre 55 et 57 q/ha. Idem au Gpb. Du côté de la Cal, la moyenne est estimée à 62 q/ha. «Il manque 20 % des volumes par rapport à une année “classique”», estime Gilles Lassagne.

Cette année, la prime va aux petites terres, qui ont mieux ressuyé que les terres profondes, et aux parcelles propres. «Le salissement a été difficile à maîtriser, autant à l’automne qu’au printemps. Cela s’en ressent sur les rendements», selon David Meder.

La bonne nouvelle vient de l’état sanitaire des blés. «Nous étions très inquiets par rapport à la fusariose et aux niveaux potentiels de mycotoxines. Nous n’avons pas encore reçu tous les résultats d’analyses, mais finalement les mycotoxines sont bien présentes, mais pas à des niveaux inquiétants», indique le responsable céréales d’Emc2. De même, l’ergot est bien présent, «mais ce n’est pas la catastrophe».

Malgré tout, ces «bonnes nouvelles» sont balayées par les autres critères : le poids spécifique, notamment, n’est pas bon. Il affiche 73 kg/hl de moyenne sur la zone d’Emc2 (sur grains nettoyés), 71,5 au Gpb et 70,5 chez Lorca, loin des niveaux exigés par la meunerie. Les taux de protéines, inférieurs à 11 %, sont également loin des normes pour la meunerie. «Nous allons devoir travailler les grains pour répondre aux débouchés de la meunerie. Ça va représenter un coût supplémentaire», confie Gilles Lassagne. «Compte-tenu de l’année, des discussions sont en cours avec nos clients. C’est là où l’état sanitaire à son importance. Nous allons pouvoir livrer, mais certainement pas au prix du blé meunier», complète le responsable d’Emc2.

Orges de printemps, très hétérogènes

Dernière culture récoltée, l’orge de printemps n’affiche pas de meilleurs résultats que ses congénères d’hiver. «Les orges de printemps ont été semées tard, dans des conditions souvent difficiles. Elles se sont rattrapées en végétation», retrace David Meder. Mais ça n’a pas suffi. À la Cal et Emc2, le rendement potentiel moyen devrait tourner autour de 45 q/ha, avec une très grande hétérogénéité. «Ça va de moins de 30 q/ha dans certains secteurs à plus de 70 q/ha dans certaines parcelles : celles situées dans les zones superficielles, où les orges ont pu être semées précocement».

À noter, la présence de ramulariose en fin de cycle. Côté qualité, les calibrages sont plutôt faibles. Concernant le taux de protéines, «il faut distinguer la première partie de récolte, avec les orges semées précocement, qui sont à moins de 9,5 % et la deuxième partie de récolte, qui atteint plus de 10 %», souligne David Meder.

«2024 est une année plus que complexe, conclut Jean-Marie Guerber. Les marchés ne s’emballent pas. Les trésoreries étaient déjà tendues avant le début de la moisson. La situation ne va guère s’améliorer». Les espoirs reposent aujourd’hui sur le maïs et le tournesol. «Les agriculteurs ne se laissent pas abattre, les semis de colza se font actuellement dans de bonnes conditions».