Une étude (projet CITARE), conduite à la ferme expérimentale des Trinottières, a été menée sur l’ingestion des vaches taries. Il en est ressorti des perspectives d’ajustements plus fins de la ration, dans l’optique de réduire les troubles de santé autour du vêlage et de prolonger la durée de vie productive des laitières.
Le nouveau ratio d’ingestion individuelle d’une vache tarie s’établit à 16,8 kg MS/jour en moyenne : une référence actualisée grâce à un essai au long cours conduit sur la ferme expérimentale de Trinottières, en Pays de Loire. La période de tarissement, qui précède le vêlage, est une phase critique pour les vaches laitières. Environ 75 % des pathologies des vaches laitières surviennent en effet dans le mois qui suit le vêlage.
Pendant cette phase, les risques de troubles métaboliques comme l’acétonémie (ou "cétose") et l’hypocalcémie sont élevés. La cétose, liée à un déséquilibre énergétique, peut limiter les performances en lactation, réduire la fertilité et même compromettre la santé générale de la vache. Quant à l’hypocalcémie, elle entraîne une chute des taux de calcium dans le sang, ce qui peut conduire à des paralysies et à des infections de l'utérus et des mamelles. Face à ces risques, l’étude CITARE a exploré des stratégies alimentaires pour aider les vaches à traverser cette transition de façon plus sereine, en particulier pour les multipares, souvent plus sensibles à ces troubles.
Durées de tarissement et ingestions actualisées
Le projet CITARE a révélé l’importance d’adapter la durée de tarissement et les niveaux d'ingestion pour éviter les excès d’énergie et les problèmes associés. Avec des durées de tarissement qui tendent à s’allonger, la note d’état corporel (NEC) des vaches peut augmenter significativement - 2,0 UFL/j pendant 70 jours entrainent une hausse de note d’état de 0,7 point - ce qui accroît les risques de cétose et de difficultés de vêlage. Une ingestion trop élevée en énergie dans cette phase entraîne une accumulation excessive de graisse, ce qui complique la mobilisation des réserves corporelles au début de la lactation. L’étude met en avant des recommandations plus strictes : surveiller donc l’état pour que les vaches ne soient ni trop maigres ni trop grasses à l’approche du vêlage. Une observation rigoureuse réduit les complications de vêlage et améliore les performances en lactation, car la vache n’a pas besoin de compenser un déséquilibre métabolique en puisant de manière excessive dans ses réserves corporelles.
Des données de référence solides
L’équipe CITARE a suivi 63 vaches aux Trinottières pendant trois ans, testant des rations enrichies trois semaines avant la mise-bas. Grâce aux auges peseuses, chaque vache était monitorée individuellement, ce qui a permis d’évaluer avec précision son ingestion journalière. Ce suivi rigoureux a aussi permis d’analyser l’impact du rang de lactation : les multipares, qui présentent souvent une ingestion réduite en phase de tarissement, sont plus vulnérables aux déséquilibres métaboliques. Cette observation pousse à recommander un suivi particulièrement attentif des multipares en fin de gestation pour garantir une transition fluide vers la lactation.
L’allotement du troupeau selon le rang de lactation et les besoins individuels constitue donc une première mesure d’adaptation à mettre en œuvre. Une alimentation spécifique de préparation au vêlage est préconisée pour les vaches plus âgées, tandis qu’une ration distribuée en quantité modérée, mais suffisamment dense en énergie et riche en fibres, est préconisée pour les autres.
Un management adapté des vaches taries
Les résultats de CITARE soulignent la nécessité de veiller à plusieurs critères pour optimiser la santé des laitières. L’allotement du troupeau est recommandé, avec une séparation des primipares et des multipares pour ajuster les rations en fonction des besoins. Ensuite, trois semaines avant le vêlage, une ration adaptée riche en fibres doit être introduite pour toutes les vaches, afin de stabiliser leur ingestion et de minimiser les risques de déséquilibre métabolique.
Les éleveurs sont également encouragés à évaluer régulièrement l'état corporel des vaches et à surveiller des indicateurs comme le niveau de consommation et la mobilité, pour détecter rapidement tout signe de déséquilibre. Grâce à cette approche de conduite d’élevage personnalisée, il devient possible de prolonger la durée de vie productive des vaches et d’optimiser la rentabilité et la durabilité des exploitations laitières.