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Comment combattre la Suzukii ?

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La drosophile a provoqué tellement de dégâts sur grappe que le tri par les vendangeurs est devenu, dans certaines situations, impossible. Photo Cédric Coillot
La drosophile a provoqué tellement de dégâts sur grappe que le tri par les vendangeurs est devenu, dans certaines situations, impossible. Photo Cédric Coillot

L’Inrae, en lien avec la Fredon Grand Est, évalue une nouvelle méthode de lutte pour combattre la drosophile Suzukii, une espèce invasive
qui provoque de nombreux dégâts en agriculture.

Mardi 3 octobre, des représentants de la Fredon Grand Est et de l’Inrae se sont retrouvés sur la commune de Trondes (54) pour une étude sur un projet de biocontrôle de la drosophile Suzuii.

La drosophile Suzukii est un diptère qui a l’aspect d’un petit moucheron cousin de la drosophile responsable du goût de vinaigre. Ce ravageur venu d’Asie du Sud Est s’est implanté en France au début des années 2010. Thierry Paul, président de la Fredon Grand Est, indique «que les premiers dégâts ont été observés en Lorraine sur framboisiers en 2013-2014». La drosophile Suzukii est un ravageur opportuniste qui s’attaque à plus de 400 végétaux dont les fruits sont à chair tendre (cerises, fraises, framboises, prunes, vigne, tomates, baies d’essences forestières…). L’adulte pond dans les fruits sains à la différence des drosophiles communes de notre territoire qui elle se développent sur des fruits attaqués par des maladies ou d’autres ravageurs. Le cycle est très court avec jusqu’à treize générations par an, et plusieurs centaines d’œufs par ponte d’où l’aspect exponentiel des dégâts observés. Derrière ces piqûres, il y a un pourrissement des fruits entraînant jusqu’à 80 % de pertes.

Énorme travail de tri

Actuellement, depuis le retrait du diméthoate, il reste peu d’alternatives phytosanitaires. Une pyréthrinoïde de synthèse est disponible mais ce produit de contact a peu de rémanence et ne cible que les adultes obligeant à de nombreux traitements pour suivre le cycle de développement de l’insecte.

Thierry Paul explique que les producteurs doivent faire un énorme travail de tri à la cueillette avec la destruction systématique des fruits impactés. Le président de la Fredon Grand Est s’inquiète que cette énième menace ne mette en péril certaines filières comme la cerise ou la fraise. En 2023, il y a eu pour la première fois en vigne en Lorraine une attaque fulgurante de drosophiles juste avant la vendange qui a entraîné 25 à 100 % de dégâts sur les parcelles.

Une phase de test

L’Inrae travaille depuis plusieurs années sur l’introduction d’un insecte auxiliaire parasitoïde de la drosophile Suzukii. Nicolas Borowiec et Myriam Siegwart, ingénieurs à l’Inrae, respectivement de Sophia-Antipolis et Avignon, sont venus en Lorraine pour faire un lâcher test de Ganaspis brasiliensis comme en quatre autres endroits du territoire national. Cet hyménoptère parasitoïde originaire du Japon est spécifique de la drosophile Suzukii. L’hyménoptère adulte Ganaspis brasiliensis pond dans la larve de Suzukii.

Myriam Siegwart explique qu’au préalable de ces lâchers, il y a eu une vérification de l’absence d’impact sur d’autres espèces que la Suzukii. Le ministère de l’Agriculture et celui de l’Environnement, en lien avec l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), ont validé cette démarche au travers d’un arrêté d’autorisation d’introduction en France, le 17 août 2022.

L’Inrae développe une méthode de lutte basée sur des lâchers par acclimatation dans les zones périphériques aux cultures où l’auxiliaire se développe dans l’environnement abaissant la pression de Suzukii. Nicolas Borowiec précise que par la suite, les partenaires locaux d’Inrae, comme la Fredon Grand Est, mesureront si l’implantation est efficace et si la population de Suzukii est impactée. Dans le cas d’une issue positive de cette phase de test, il y aura un travail avec les filières agricoles pour accélérer la dispersion de Ganaspis brasiliensis.

À noter que la lutte biologique par acclimatation a déjà connu plusieurs succès pour lutter, par exemple, contre la cicadelle pruineuse ou le cynips du châtaignier.