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Syndicalisme économique : avant tout une histoire de valeurs

«Fabrice Couturier (à gauche à la table ronde) : «nous avons besoin d’une modification du cadre européen pour autoriser les pouvoirs publics à poser un critère d’approvisionnement local dans les marchés publics». Photo DR
«Fabrice Couturier (à gauche à la table ronde) : «nous avons besoin d’une modification du cadre européen pour autoriser les pouvoirs publics à poser un critère d’approvisionnement local dans les marchés publics». Photo DR

Le réseau Fnsea a organisé, le 11 octobre, la deuxième édition de la journée «Syndicalisme économique» à Nantes. Une journée d’échange et de débats sur toutes les démarches développées dans le réseau national, pour s’enrichir des expériences de tous. La Moselle a témoigné du travail accompli, aux côtés des élus locaux, pour développer l’offre locale dans la restauration hors domicile.

«Le meilleur vendeur aujourd’hui pour le produit, c’est l’agriculteur !». Avant même la fin de la première demi-heure d’échange, le constat tombe sous le sens, les expériences des uns et des autres sont unanimes. Jonathan Janichon, de la marque Viande des pays de l’Ain, président de la section viande bovine Frsea Auvergne-Rhône-Alpes et membre du bureau de la Fnb, a mis tout le monde d’accord.

C’est l’essence même du syndicalisme économique, et ce sur quoi les agriculteurs du réseau Fnsea se sont retrouvés le 11 octobre dernier à l’Hôtel de région des Pays de la Loire, à Nantes. Organisée par la Frsea Pays de la Loire avec le concours des fédérations de Vendée et de Loire-Atlantique, cette journée a vu défiler des responsables syndicaux de tout l’hexagone qui ont débattu au sein de trois tables rondes. Successivement, ces tables rondes ont traité de la valeur syndicale, économique puis sociétale, qu’apporte le syndicalisme économique.

Amener le syndicalisme jusque dans les caddies

Depuis quelques années, ces démarches ont toutes pour premier rôle d’amener une rémunération correcte, gratifiante pour les éleveurs. Aux yeux des intervenants, c’est cet impact sur la trésorerie de l’exploitation qui fait toute la dimension syndicale de ces démarches et de ces marques : Esprit Paysan, JUSTE, Local et Facile, Viande des Pays de l’Ain, viande bovine au juste prix dans la Rhd, etc.

«Si elles continuent de se développer, c’est bien qu’aucune réponse n’est apportée par d’autres canaux, insiste Patrick Bénézit, secrétaire général adjoint de la Fnsea. Mais pour que ça marche, nous avons le devoir, nous syndicalistes, d’être au courant de ce qui se passe dans notre filière, et de ne pas nous laisser conter fleurette par les commerciaux sur le terrain. Ce n’est que par là que l’on défendra le coût de production sur le terrain, surtout en cette période d’offre restreinte».

La Moselle présente

Au-delà du débouché essentiel, en volume, que représente la grande et moyenne  distribution, Fabrice Couturier, président de la Fdsea de la Moselle, témoignait du travail engagé «dans le développement de l’offre locale auprès de la restauration hors domicile maîtrisée par les collectivités». «Nous nous sommes appuyés sur l’expérience réussie des boulangers de Moselle qui livrent aujourd’hui l’ensemble des collèges en pain frais façonné par des artisans boulangers mosellans», témoigne Fabrice Couturier. «C’est la volonté politique du patron du département et la capacité du syndicat des boulangers de s’organiser collectivement pour lui répondre, qui a conduit à cette réussite, analyse le président de la Fdsea de la Moselle. Nous avons souhaité faire de même pour la viande bovine, avec le postulat d’un prix rémunérateur pour le producteur».

Défendre son produit

Au-delà de la rémunération, les producteurs sont aussi fiers de parler de leurs produits directement au grand public, de renouer du lien. Rapport privilégié avec le consommateur, oui, mais tous aussi à dire que le lien aux intermédiaires (transformateurs, distributeurs…) peut parfois s’avérer beaucoup plus complexe. Yannick Fialip, président de la commission économique de la Fnsea, et secrétaire général de Montlait, relate l’expérience difficile de l’Association des producteurs de lait de montagne (Aplm) et de ses premiers échanges avec certains gros distributeurs. «À peine rentrés dans l’ascenseur, les négociations ont commencé. Nous n’étions pas sortis ou assis à la table des discussions qu’ils ont attaqué d’office. Ces gens-là ont des techniques de négo que nous n’avons pas, et ça surprend. Il faut vraiment bien se préparer». D’où l’importance de la formation par ailleurs, soulignée à l’unanimité.

Autre facette de la communication avec l’expérience mosellane. «Les opérateurs que nous avons approchés pour faire la démonstration de la faisabilité d’un approvisionnement des collèges en viande bovine "tracée" ont également contribué à construire des réponses appropriées à l’ensemble des spécifications techniques attendues dans le Cahier des Clauses techniques particulières (Cctp) de l’appel d’offres, explique Fabrice Couturier, et les attentes des commanditaires de la Rhd en matière de communication sont importantes». La Fdsea a ainsi montré l’importance d’outils de communication adaptés à ce public, depuis les donneurs d’ordres,  en passant par les cuisiniers pour aller jusqu’au-devant des élèves.

Rester fidèle à ses valeurs, à tout prix

Deux témoignages ont ponctué l’après-midi, principalement dans la même filière lait : la démarche Cœur de Normandy pour laquelle Sébastien Amand témoigne, et la marque JUSTE, dont la création et les valeurs sont narrées par Guillaume Voineau et Yoan Vétu. Le retour sur l’histoire de Cœur de Normandy est dur : «Certains des acteurs de notre filière, que l’on pensait être des partenaires, se sont finalement avérés être des prestataires, a déploré Sébastien Amand. Comment alors construire une relation de confiance et de transparence avec eux ? Il a suffi de peu, d’un changement politique ou de personne, pour faire pencher la balance». Et Guillaume Voineau a rapidement abondé en son sens : «Il faut être patient, il faut s’accrocher, ça tout le monde le dit, a-t-il asséné. Mais il faut aussi rester fidèle à ses valeurs, tout le long de ce chemin. On a certains distributeurs qui nous vendent peu, ou mal, parce qu’ils ne réalisent pas des marges assez importantes sur notre gamme et donc ne souhaitent pas faire plus d’efforts. Nous pourrions descendre notre prix et les volumes monteraient, mais nous ne le ferons pas. Un agriculteur ça doit être rémunéré à sa juste valeur, point». Pour conclure, c’est la vice-présidente du Conseil régional et présidente de la commission Agricultures, Lydie Bernard, qui a pris le micro. Elle a tenu tout d’abord à rappeler le rôle prépondérant de l’agriculture dans la Région, qui représente 4 % des actifs de la région pour un chiffre d’affaires de près de 6 milliards d’euros. L’agroalimentaire dans son ensemble reste le premier employeur régional. La vice-présidente a renouvelé son soutien et celui de sa Région à l’agriculture, tout en plaidant pour plus de circularité locale. «La souveraineté alimentaire en France, enjeu fondamental, ne doit pas être coupée du reste, des autres souverainetés comme celle de l’énergie», a-t-elle insisté.