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«Sortir d’une situation intenable»

François Schmitt a rappelé le caractère fondamental de cette réforme structurante pour l’agriculture face aux conséquences du changement climatique. Photo Pierre Divoux
François Schmitt a rappelé le caractère fondamental de cette réforme structurante pour l’agriculture face aux conséquences du changement climatique. Photo Pierre Divoux

À l’approche de l’échéance du 1er janvier 2023, le Conseil d’administration de la Fdsea a souhaité faire un point de situation sur les nouveaux outils de gestion des risques climatiques en agriculture. François Schmitt était à la manœuvre, ce 16 août, à Morhange.

On se souvient de l’annonce du Président de la République, le 10 septembre 2021, aux Terres de Jim. «Nous allons créer une assurance récolte à la Française», annonçait Emmanuel Macron à Corbières-en- Provence, où il était venu rencontrer des jeunes agriculteurs.

Fondé sur le rapport du député Descrozaille relatif à la gestion des risques, le dispositif annoncé par le Président de la République portait sur trois principes. Une solidarité nationale avec 600 millions d’euros annuels provenant de fonds européens et nationaux pour financer le système. Un système simplifié par rapport à l’assurance récolte actuelle. Et une assurance réactive et rapide grâce à un pool de coassureurs.

Pour une analyse du projet de réforme de la gestion des risques climatiques, au plus proche de l’état des négociations avec le Gouvernement, Fabrice Couturier a sollicité le président de Groupama Grand Est, François Schmitt.

Pour les assureurs, «cette réforme doit permettre de sortir d’une situation intenable où la multirisques climatique (Mrc) mise en place en 2005 affiche une sinistralité en nette dégradation depuis 2016», explique François Schmitt. Plus largement, les organisations professionnelles soutiennent l’ambition et les principes de la réforme afin d’assurer la pérennité des systèmes de production dans un contexte d’accélération des épisodes climatiques calamiteux.

Seules 17 % des surfaces assurées

Si l’assurance Mrc s’avère aujourd’hui l’outil de protection le plus efficace en cas d’aléas climatiques, François Schmitt avoue également «qu’il peine à convaincre»… «malgré une succession d’aléas climatiques, on ne note pas de véritable progression des surfaces assurées en grandes cultures. Seules les vignes semblent dans une dynamique de progression».

Selon le président de Groupama Grand Est, «l’articulation avec le régime des calamités agricoles limite également le développement de l’assurance Mrc». En finalité, aujourd’hui, seules 17 % des surfaces agricoles sont assurées. C’est largement insuffisant lorsque le fondement du dispositif repose sur la mutualisation du risque, condition sine qua non d’un tarif accessible.

Il faut donc que le modèle change. Mais comme souvent, dans la conception d’un idéal, il y a loin de la coupe aux lèvres.

Il reste quatre mois

À compter du 1er janvier 2023, le nouveau dispositif assurantiel de gestion des risques devrait se substituer à la Mrc et au Fonds des Calamités Agricoles.

La réforme repose sur un principe d’universalité. «Tout agriculteur devra pouvoir accéder au dispositif de protection à des conditions raisonnables», rappelle François Schmitt. Ce principe est rendu possible, dans l’esprit de la loi, par l’intervention de la solidarité nationale qui reste accessible même à ceux qui ne sont pas assurés, au moins dans un premier temps. L’enjeu consiste à emmener rapidement un maximum d’agriculteurs, ainsi, leur indemnité sera néanmoins moindre par rapport à celle versée aux assurés.

Le principe d’universalité repose aussi sur une démarche de mutualisation des risques à l’échelle du marché de l’assurance, grâce à un groupement d’assureurs. La profession agricole est très attachée à la mise en place du groupement d’assureurs, mais François Schmitt s’inquiète d’un cadre législatif pas assez coercitif  sur ce point. Mi-juillet, le Conseil de l’Agriculture française avait alerté sur le risque de désengagement des assureurs si la rédaction des textes restait en l’état. «Le projet d’ordonnance permet la création d’un tel groupement de coréassurance. Mais le projet renvoie cette création à des accords entre assureurs, suivant une procédure très longue et hypothétique».

À quatre mois de l’échéance, les réunions se succèdent. Les négociations s’annoncent tendues dans un contexte où «la profession attend une ambition politique forte, alors que dans le même temps, le Gouvernement donne tous les signes d’une gestion budgétaire de ce dossier», analyse François Schmitt.

Alors que les assolements 2023 sont à la réflexion dans les exploitations, les assureurs peinent à construire leurs offres assurantielles. Ils attendent encore des critères essentiels comme les seuils de déclenchement ou les niveaux de franchises, que le cadre réglementaire imposera à tous.