Les Jeunes Agriculteurs de Moselle ont tenu les travaux de leur assemblée générale le 16 février à Niderviller. Temps fort de la rencontre, le décryptage des premières annonces du gouvernement en réponse au mouvement de protestation de la profession agricole.
L’équipe Ja du canton de Sarrebourg était à la manœuvre cette année pour accueillir adhérents et invités à l’assemblée générale des Jeunes Agriculteurs de Moselle. Fier de «ces petits patelins qui participent activement à la vie des territoires», Julien Irlinger a mis un point d’honneur, depuis la tribune de la salle communale de Niderviller, à citer quelques initiatives «locales». Et même si les acteurs de l’économie agricole départementale présents connaissent leurs classiques, le jeune président du canton de Sarrebourg a souhaité citer «le Comice du Pays de Sarrebourg, l’abattoir de proximité, la coopérative laitière Unicoolait» ou encore la filière laine ovine.
Même fierté dans les mots d’accueil de Madame le maire de Niderviller. Dès le début de son propos, Marie-Véronique Buschel a affirmé son soutien aux revendications de la profession agricole. Elle a aussi voulu faire partager une proximité avec les quelques agriculteurs de sa commune, les citant un à un par leur prénom.
«Il y en aura pour tout le monde»
Il n’y a pas d’assemblée générale des Jeunes Agriculteurs sans pointe d’irrévérence. 2024 n’a pas échappé à la tradition. Le rapport d’activité, comme le rapport moral du secrétaire général, étaient ponctué d’invectives «il y en aura pour tout le monde» a-t-on prévenu lors de l’accueil des invités. Le montage vidéo faisant office de rapport d’activité a donc égrené des sujets qui fâchent chez les «Jeunes». Occupation de la base de Grostenquin avec la parole non tenue d’un Premier ministre et une gestion «deux poids deux mesures» sur les questions environnementales. Les retards de paiements Pac «inadmissibles et encore plus préjudiciables dans la période fragile qui suit l’installation». Retards montrés du doigt encore pour l’instruction et le paiement des dossiers Pcae. Après les services de l’État, la collectivité territoriale est mise au pilori. Zonages du territoire pour la mise en œuvre du dispositif de calamités agricoles ou encore curage des fossés, la grogne transpire derrière l’humour.
Même conducteur pour Marc Bodo dans la présentation de son rapport moral. Bref sur les choses qui vont bien : concours de labours, forum de l’installation, le secrétaire général des Ja a eu la main lourde pour épingler les sujets d’insatisfaction. Reprenant plusieurs points du rapport d’activité, il s’est montré particulièrement insistant sur les lenteurs dans la mise en applications des décisions du comité sangliers.
Le ton est devenu menaçant quand il s’est agi des retards de paiements Pac ou de l’éventualité d’un retour des caravanes à Grostenquin. Venus en nombre, les parlementaires ont été tancés depuis la tribune. Mais pour les députés et sénateurs présents à Niderviller, la potion sera moins amère que pour ceux de la majorité présidentielle. Tous absents, ils se sont exposés à la fougue des jeunes syndicalistes agricoles.
«Nous devons rester unis»
Autre temps fort, la table ronde. Quelles seront les conséquences du mouvement de protestation des agriculteurs ? Seule une première estimation des impacts pour les agriculteurs, quant aux acquis du syndicalisme, a été ébauchée. À la tribune pour répondre à cette question, Franck Sander (Fnsea), Augustin Wack, (Ja Grand Est) et Philippe Eulry (Cer France).
Difficile pour les orateurs d’aller au-delà «d’une première estimation des impacts» puisque «la mobilisation n’est pas finie», a prévenu Augustin Wack. Même analyse pour Franck Sander, «Nous devons rester unis avec un discours dur et des revendications» exprimées de «manière très ferme pour passer le virage avec des actes (du gouvernement), sinon le mouvement va se durcir».
Cependant, on sait par ailleurs que dans la multitude des demandes exprimées par le syndicalisme majoritaire en Moselle figuraient en bonne place des attentes concernant la fiscalité sur le Gnr au-delà des acquis du projet de loi de finances 2024. Sur ce point, tout en conservant le bénéfice de ce qui a été obtenu à l’automne, les agriculteurs n’avanceront plus la fiscalité portée par le Gnr. Le pied de facture sera la règle dès cet été. Pour la jachère obligatoire, elle aussi dans le haut de la liste, une nouvelle dérogation apporte satisfaction cette année.
Sur la suite des attendus de la profession, une inquiétude demeure. C’est Franck Sander qui l’a exprimée. «Le Premier ministre et ses ministres semblent avoir compris notre message», «mais il faudra que ça descende dans les services pour se traduire dans les actes», prévient le vice-président de la Fnsea.
Il a été question d’Europe également puisque nombre de revendications de la profession agricole dépendent de l’évolution des directives et règlements européens. À moins de six mois des échéances électorales, alors que «les agriculteurs attendent que l’Europe les protège», Franck Sander a souligné l’impact des exportations ukrainiennes sur le marché européen. En soutenant ce pays en important ses blés et maïs, «on étouffe l’Europe et on libère les marchés historiques de l’Ukraine au profit des exportations russes». Et ce que la profession dénonce, c’est que «l’effort de guerre soit porté par les seuls agriculteurs et les filières de l’agroalimentaire». «Ce n’est pas normal», tance Franck Sander.
«La volonté est là»
Difficile, dans ce contexte de se projeter et de s’inscrire dans un projet professionnel. Si le mouvement de protestation s’avère fédérateur, il questionne tout de même lorsqu’il s’agit d’installation ou d’investissement. Sur l’état d’esprit de la jeune génération quant à l’installation, Julien Viville affirme que «la volonté est là». Mais impossible de ne pas voire que «la récolte de céréales est en dessous de nos moyennes, voir même catastrophique pour les cultures de printemps», rappelle Julien Viville. «Cumulez à cela des prix qui dégringolent, vous obtenez la combinaison parfaite pour des résultats économiques nuls voire même négatifs».
Cependant, «2023 a été marquée par 75 installations aidées et validées, nombre qui est en augmentation de presque 50 % par rapport à la moyenne des années précédentes» se félicite le président des Jeunes Agriculteurs de Moselle. Il regrette pourtant que «ce nombre est toujours inférieur aux 160 installations nécessaires pour combler les départs à la retraite».
Complétant les propos de son secrétaire général sur les motivations de la mobilisation professionnelle, Julien Viville a insisté sur «la nécessité de ramener du revenu à nos agriculteurs». Aussi, il fustigeait «un outil qui existe depuis 2018 mais qui n’est toujours pas appliqué depuis». «La loi Egalim en est déjà à sa troisième mouture et je me souviens que mes prédécesseurs l’appelait États Généraux de l’Arnaque» rappelait-il avant de leur donner raison. En écho, le président de la Chambre d’agriculture appuyait pour «faire appliquer et défendre la loi Egalim».
Autre registre pour le président de la Fdsea. Fabrice Couturier a mis à profit son temps de parole pour soutenir Arnaud Rousseau, le président de la Fnsea. Malmené dans les médias alors que le syndicalisme majoritaire l’a porté «pour mener efficacement notre combat», Arnaud Rousseau «a été soutenu dès la première heure par la Moselle». Une confiance que le président de la Fdsea lui a renouvelé. Tout comme pour le groupe Avril, lui aussi une nouvelle fois dans la tourmente médiatique, duquel Fabrice Couturier a salué «l’initiative des pères fondateurs, dont la seule motivation a été de valoriser nos oléagineux en nous libérant du diktat des Usa sur l’approvisionnement en protéines».
Le président de la Fdsea a délivré au terme de son propos un message d’optimisme «motivé par la cohésion syndicale retrouvée entre Ja et Fd» pour mener les actions et «défendre des dossiers avec une crédibilité nécessaire». «Nous sommes dans une période combative mais il y a encore de beaux projets» a-t-il conclu.