Au menu du cycle de conférences proposé par la Frsea Grand Est dans le cadre du salon Agrimax, un sujet essentiel de l’actualité : la rémunération des producteurs.
Sous la pression du syndicalisme agricole, les pouvoirs publics multiplient les textes destinés à assurer des revenus plus équitables aux producteurs. La loi dite Egalim 2, est la dernière en date. Comme son nom l’indique, elle arrive après la loi fondatrice Egalim qui avait posé les bases d’un rééquilibrage des relations entre les producteurs et l’aval. Animateur de la table ronde, Fabrice Couturier n’a pas caché «les espoirs que la profession fonde dans cet arsenal juridique». Mais le président de la Fdsea de la Moselle était tout aussi clair en posant le constat d’une «profession agricole faisant de son mieux pour répondre aux attentes des consommateurs» mais toujours «dans l’attente en retour des euros».
Egalim n’a pas produit les effets escomptés. La loi Egalim 2 devrait donc corriger les manquements de la réforme entamée en 2018.
Atteindre le résultat
Pour préciser l’état des lieux, Hervé Lapie a souligné «les deux volets constituant la loi, la construction du prix en marche avant et la réponse aux attentes des consommateurs». Il constatait, «sur ce second volet, beaucoup de travail», citant plusieurs exemples dont la séparation de la vente et du conseil en matière de produits phytosanitaires. Quant au revenu des producteurs, Hervé Lapie regrettait le peu d’efficacité. Mais le secrétaire général adjoint de la Fnsea est convaincu d’avoir aujourd’hui «les outils législatifs pour atteindre le résultat». «Il faut s’en emparer en intégrant les coûts de production et faire valoir la loi dans les boxes de négociations commerciales», plaide Hervé Lapie qui avoue une part de responsabilité de la profession agricole dans «le travail à réaliser sur la contractualisation ».
Arnaud Rousseau a précisé ce point en faisant la démonstration de l’intérêt de la contractualisation. «Il y a quelques années, nous étions protégés du risque de volatilité des prix des produits agricoles, ce qui n’est plus le cas et la contractualisation peut redonner de la sécurité». Le vice-président de la Fnsea s’est également attaché à démontrer une facette positive «du renoncement à l’opportunisme». Au-delà de la sécurisation d’un prix, «la contractualisation peut sécuriser nos marchés».
Ne pas vendre du rêve
Tous les participants se sont accordés à «ne pas vendre du rêve» avec Egalim 2. «Ce n’est pas une baguette magique», prévient Philippe Mangin avant d’inviter «à ne pas oublier les autres leviers potentiels pour une meilleure rémunération des producteurs». Le vice-président à l’agriculture de la Région Grand Est montrait «tous les autres champs d’amélioration du revenu», citant l’économie circulaire, l’économie de proximité ou les facteurs de compétitivité que sont «l’innovation, la recherche et développement, la fiscalité, les charges sociales ou réglementaires». Quant à Egalim 2, Philippe Mangin y voit la possibilité «d’un lieu où, enfin, tous les acteurs vont pouvoir parler d’alimentation», évoquant le marché de «la restauration hors foyer».
Prudent quant à la réelle motivation de tous les acteurs, Daniel Perrin témoignait de l’expérience d’une filière. «Dans le lait, on connaît la contractualisation avec l’apport total, mais en restant juste sur les volumes cela ne règle rien», prévient le secrétaire général de la Fnpl. «Aujourd’hui, les producteurs sont les seuls à parler de prix». Pour Daniel Perrin, «les industriels et la distribution doivent aussi s’approprier ce concept».
«Nous partons de loin»
«Dans l’élevage, nous attendions un cadre qui donne des perspectives, alors que nous sommes aujourd’hui dans un monde de cueillette», explique Xavier Lerond. «Nous partons de loin», avoue-t-il avant de reconnaître dans Egalim 2 «des indicateurs de coûts de production comme base de discussion». Le président de l’interprofession régionale bovine mettait en garde contre une idée largement répandue lors de la négociation des plans de filière, «laisser penser que la montée en gamme allait tout sauver est un leurre». Il argumente, «quand nous sommes à 1 % de Label, passer à 40 % n’est pas raisonnable». Xavier Lerond reconnaît cependant, «au travers de l’innovation», la capacité «de coller plus à ce que nous demande le consommateur». Une gageure selon Philippe Mangin. Reprenant l’exemple de la restauration hors domicile, il faisait partager son inquiétude, «nous avons certainement surestimé la capacité à fournir». Mais pour l’élu régional, une chose est certaine, «fournir nos cantines à 70 % de productions locales sans payer le producteur, on ne trouvera pas». Il faudra donc mettre la main à la poche. Tous s’accordent à le dire, «et la collectivité devra prendre en charge une partie» admet Philippe Mangin qui voit également «la baisse du gaspillage comme une partie de la solution». Toujours sur l’exemple de la restauration collective, «la formation des gestionnaires et des personnes de cuisine» doit améliorer le coût du repas, témoigne Xavier Lerond rappelant que l’interprofession a investi ce chantier. Les acteurs de la production et les collectivités semblent donc à l’œuvre pour transformer l’essai de la loi Egalim 2. Avec une vision optimiste de l’objectif à atteindre que Philippe Mangin traduisait simplement, «l’alimentation va reprendre la place qu’elle n’aurait jamais dû perdre».