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Des perspectives de revenu

Ghislain de Viron «l’objectif de la forte implication du syndicalisme dans l’association France Carbon Agri est de tirer vers le haut le prix de chaque tonne de carbone». Photo Lucile HERGAT
Ghislain de Viron «l’objectif de la forte implication du syndicalisme dans l’association France Carbon Agri est de tirer vers le haut le prix de chaque tonne de carbone». Photo Lucile HERGAT

Donner des perspectives de développement et de revenu aux agriculteurs. Voilà la commande passée par le président de la Fdsea aux invités de la soirée-débat.

Pour la première des tables rondes proposées lors de la soirée du 31 mai, le président de la Fdsea attendait de ses invités qu’ils «donnent des perspectives de développement et de revenu aux agriculteurs en s’appuyant sur l’organisation des filières qu’ils maîtrisent». Et pour donner aux propos une consistance concrète, le choix a été fait d’illustrer les propos de cette table ronde consacrée à l’élevage, en s’appuyant sur le développement du marché du carbone agricole.

Autour de Fabrice Couturier, Ghislain de Viron, producteur de lait dans la Sarthe, 1er vice-président de la Fédération Nationale des Producteurs de Lait (Fnpl), Anne Barth, conseillère spécialisée en environnement à la Chambre d’Agriculture de la Moselle et Stéphane Peultier, président de l’Apal.

Climato-intelligente

Valorisation des prairies destinées à l’alimentation des cheptels, autonomie alimentaire des exploitations, réduction des apports d’engrais minéraux, ou encore couverture des sols, les leviers pour réduire l’impact climatique de l’agriculture sont désormais connus. Quant à cet impact, les chiffres varient encore selon les approches. Mais les émissions imputés au secteur agricole seraient de l’ordre de 19 % des gaz à effet de serre en France.

Mais avant d’appréhender les leviers mobilisables, où l’activité agricole s’avère finalement «une source de solutions», il aura fallu une prise de conscience. Ghislain de Viron se souvient d’un groupe d’agriculteurs en formation en communication dans le milieu des années 2010. «On nous avait présenté le visuel du lobby des avionneurs où le transport aérien se targuait d’émettre moins de gaz à effet de serre (Ges) que l’agriculture». Convaincu de bien travailler sur son exploitation et passé le choc provoqué par cette allégation, l’éleveur s’est intéressé au sujet.

D’autres également ont investi cette problématique en passe de devenir un enjeu de société. Ghislain de Viron a rapporté l’investissement d’une éleveuse alors secrétaire générale de la Fnpl, Marie-Thérèse Bonneau. L’agricultrice a largement contribué à porter sur les fonts baptismaux l’association France Carbon Agri. C’est elle également qui a prôné «l’optimisation du retour des crédits carbone au profit des agriculteurs, afin d’assurer un retour financier proportionnel à la réduction des émissions».

Aujourd’hui, avec l’avancée des connaissances, Ghislain de Viron affirme que «l’élevage laitier représente 7 % des émissions de Ges». Mais surtout, il positive en témoignant de «la pratique d’une agriculture climato-intelligente permettant l’amélioration du revenu». Et de citer l’exemple d’une ferme laitière de 300.000 litres économisant 15 % de ses émissions de Ges sur cinq ans, «soit 300 tonnes à 30 euros la tonne, pour un gain de 9.000 euros».

Diagnostic carbone

Sur la base des dispositifs validés au niveau national, les exploitants peuvent aujourd’hui mesurer et attester des réductions d’émissions et le stockage de CO2 permis par leurs pratiques et des initiatives en termes de gestion de leurs surfaces en prairies, de plantation de haies ou de changement d’alimentation du bétail. Ce processus ouvre la possibilité de vendre les crédits carbone correspondants à des entreprises ou des collectivités.

Dans la palette d’outil d’accompagnement “bas carbone” des éleveurs, Anne Barth a présenté le diagnostic Cap’2er niveau 2. Un dispositif conséquent, s’inscrivant sur une durée de cinq années. Une fois mesurées les émissions de Ges, le stockage de carbone induit par les pratiques de l’éleveur est lui aussi quantifié. Le solde permet de mesurer l’empreinte carbone nette. Pour Anne Barth, «le gros avantage des exploitations agricoles», par rapport aux autres acteurs de l’économie, réside dans «la capacité de compenser une partie des émissions par son activité».

Peut alors intervenir le travail d’accompagnement visant à mobiliser les leviers d’amélioration. Les pistes de travail se révèlent nombreuses. Chaque levier permet de cibler l’un ou l’autre des Ges. Ainsi le levier “troupeau” permettra d’agir sur les émissions de méthane. Il est ici question de la stratégie de reproduction et de la productivité par vache. Quant au levier “alimentation”, au travers de l’autonomie protéique, la qualité ou la conservation des fourrages, il impactera les émissions de gaz carbonique.

Apporteur de solution

C’est à Stéphane Peultier que le président de la Fdsea avait demandé d’illustrer pratiquement la mise en œuvre de cette piste d’amélioration du revenu des éleveurs. Dans l’association qu’il préside, quarante-deux exploitations se sont engagées dans la démarche bas carbone. Une dynamique collective permettant d’économiser 31.500 tonnes de carbone.

Ainsi, en moyenne, pour chacune de ces exploitations, ce sont 750 tonnes de carbone évitées. «Valorisée chacune à 30 euros la tonne, pour les cinq années d’engagement, ce sont 22.500 euros de revenu pour l’agriculteur», se félicite Stéphane Peultier. Mais il ajoute «L’amélioration des résultats techniques liés au plan d’action carbone apporte des bénéfices supplémentaires non négligeables».