Sans céder au fatalisme, les Jeunes Agriculteurs de Moselle ont évoqué de nombreux sujets de mécontentement de la profession. Ils affirment que leur «métier suscite toujours des vocations» et multiplient les actions de communication vers le grand public.
Lorsque les Jeunes Agriculteurs de Moselle se sont retrouvés en Assemblée générale à Verny le 17 février, les braises des dernières actions syndicales étaient encore tièdes. Le président, Julien Viville comme son secrétaire général, Marc Bodo, ont soufflé dessus à pleins poumons pour rallumer le feu de la grogne paysanne. Si le premier évoquait les sujets de mécontentement de la profession agricole avec une bonne dose de diplomatie, le second a mis le paquet pour relayer «la colère et la déception… bien présentes dans nos rangs».
Les motifs d’irritation sont nombreux. «Notre souveraineté alimentaire … une nouvelle fois bradée» avec «l’accord de libre-échange avec Nouvelle-Zélande signé par Emmanuel Macron, alors à la présidence de l’Europe…et maintenant le Mercosur», font monter le ton du secrétaire général des Ja. Le décalage entre les discours de campagne électorale et le constat de promesses non tenues, l’incitait au sarcasme. Sur l’épisode de sécheresse et le manque d’accompagnement des éleveurs sinistrés, Marc Bodo a illustré son dépit par une sentence fataliste, «quand on connaît la rentabilité d’un atelier allaitant, le choix sera vite fait, les bêtes dans le camion, labour des prairies et semis de céréales. Quitte à ne rien gagner, autant le faire sans les contraintes de l’élevage».
Des victoires syndicales
Tous les combats n’ont pourtant pas été vains. Chacun reconnaît les acquis des combats syndicaux sur la dérogation aux semis des Cipan et des Sie. Le préfet a rappelé la genèse de cette décision qu’il a prise, soulignant que «c’est par le dialogue que nous pouvons réduire nos difficultés». Autre acquis, le dégrèvement collectif de la Tfnb sur les parcelles classées en prés. Laurent Touvet a livré le montant de cet autre levier destiné aux éleveurs. Pour la Moselle, il représente 3,8 millions d’euros.
Là où le bât blesse, c’est sur le dossier des calamités agricoles. Le préfet y voit «un résultat mitigé». Mais pour Julien Viville, le compte n’y est pas. «La profession agricole était convaincue que l’état tiendrait son rôle en déclenchant le régime des calamités. Malheureusement, à la suite du comité national de gestion des risques en agriculture (Cngra) de janvier dernier, nous avons pu constater que les limites des départements étaient également des limites de sécheresse». Le zonage proposé par le ministère de l’Agriculture est «inadmissible» pour le président des Jeunes Agriculteurs. «Sécheresse historique, année de tous les records, mais l’ensemble du département n’est pas reconnu en calamités agricoles», s’offusque Marc Bodo.
Invité à prendre la parole à la tribune, le secrétaire général de la Fdsea rapportait, lui aussi, la «grogne paysanne et les conclusions du Cngra, le 18 janvier, qui ont mis le feu aux poudres». Syndicalistes jeunes et aînés ont alerté les services de l’État sur «un très mauvais signal envoyé aux éleveurs à la veille de la mise en place du dispositif d’assurance récolte». «Comment expliquer à un éleveur, la nécessité de souscrire un contrat d’assurance sachant qu’il ne déclenchera jamais d’indemnisation ?», interroge Florent Dory.
Et l’avenir des éleveurs sera souvent mis aux débats par les Ja. Avec le passage de la quasi-totalité de la Moselle en zones vulnérables, Julien Viville questionne, «Croyez-vous vraiment que les agriculteurs vont refaire une mise aux normes ?». Plus largement que le seul secteur de l’élevage, le doute habite les agriculteurs pour qui «les charges réglementaires et les contraintes environnementales plombent la compétitivité des fermes et dégradent le moral».
Des vocations
«Notre métier suscite toujours des vocations», affirmait cependant Julien Viville. Et il en faudra pour relever le défi du renouvellement des générations. Signe encourageant, «2022 aura été marqué par 52 installations aidées et validées, ce qui constitue un record sur ces dix dernières années», se félicitait Julien Viville avant de pondérer son propos au regard des départs, «ce nombre est bien inférieur aux 160 installations nécessaires pour combler les départs en retraite». En effet, la réalité des chiffres s’impose, d’ici six ans, 50 % des chefs d’exploitation mosellans auront l’âge de prendre la retraite. Mais cela n’entame pas la détermination des Ja. «Soyez-en sûrs, des jeunes motivés pour reprendre ces exploitations, nous en trouverons», assurait Marc Bodo. Le secrétaire général des Ja argumentait le volontarisme du syndicat jeunes avec la reprise des entretiens du Point accueil installation (Pai). Auparavant, les entretiens Pai étaient confiés à la Chambre d’agriculture.
«Mais qui de mieux que Ja pour amorcer l’installation de jeunes ?», questionne Marc Bodo qui poursuit sa logique, «qui de mieux que les anciens pour accompagner les cédants dans leur transmission ?». Les jeunes ont le Pai, les anciens le Point Info Transmission (Pit), et pour plus d’efficacité dans le challenge du renouvellement des générations, les Jeunes Agriculteurs en appellent à «plus de visibilité» sur le travail des différentes structures impliquées dans le processus d’installation.
Communication positive
«Veillez à ne pas donner une mauvaise image de votre profession, dites aussi qu’il y a des jours heureux et de la passion». Le message livré par le préfet de Moselle invitait les Jeunes Agriculteurs à un travail de communication positive sur leur métier. Pour Laurent Touvet, «il y a un avenir pour l’agriculture et pour l’élevage français». Un slogan que les Jeunes Agriculteurs de Moselle ont bien intégré si l’on en croit le nombre d’actions de communication vers le grand public organisées l’année passée. Marc Bodo témoignait de «six évènements grand public, sans oublier nos traditionnels bals et concours cantonaux».
Des évènements repris en détail dans le rapport d’activité en images, proposé comme chaque année, avec une mise en scène aux ingrédients humoristiques. Et sur la communication, Pierrick Horel, secrétaire général de Ja national, venu soutenir le travail des Mosellans, invite la profession agricole à «se mettre en capacité de discuter avec les concitoyens». Éleveur bovins dans les Alpes-de-Haute- Provence, l’élu professionnel admet que «ce n’est pas toujours confortable», mais il affirme que les agriculteurs «doivent changer de méthode de communication».