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Pacte vert européen : La Fnsea mobilise son réseau

L’article 7 du règlement sur la restauration de la nature prévoit l’obligation de supprimer les obstacles présents sur les cours d’eau, l’objectif de l’Union européenne consistant à disposer de 25.000 km de cours d’eau à courant libre. Photo Pierre Divoux
L’article 7 du règlement sur la restauration de la nature prévoit l’obligation de supprimer les obstacles présents sur les cours d’eau, l’objectif de l’Union européenne consistant à disposer de 25.000 km de cours d’eau à courant libre. Photo Pierre Divoux

Le projet de révision de la directive européenne sur les émissions industrielles et le projet de règlement sur la restauration de la nature, «mettent à mal l’agriculture, ou ne sont pas adaptés aux enjeux», alerte la Fnsea. Elle engage son réseau aux côtés des organisations professionnelles et coopératives agricoles de l’Ue contre ces deux propositions élaborées par la Commission dans le cadre du Pacte vert européen.

Deux textes, aux conséquences désastreuses pour l’agriculture, vont être soumis au vote du parlement européen la semaine du 10 juillet.

L’un concerne le projet de révision de la directive européenne sur les émissions industrielles (projet “Ied”), l’autre projet de texte doit contribuer, lui aussi, au renforcement de la protection de l’environnement et de la biodiversité dans le cadre du Pacte vert européen. Une ambition qui a, sans surprise, alimenté l’inquiétude dans les rangs des organisations professionnelles et coopératives agricoles de l’Ue (Copa-Cogeca).

Lancé fin 2019, le Pacte vert européen est un programme de travail de la Commission européenne visant à faire de l’Europe le premier continent climatiquement neutre d’ici 2050.

Ce programme se traduit par la publication progressive de projets de texte dont plus de 150 sont attendus. Ils touchent tous les secteurs de l’économie, et 27 de ces propositions concernent directement les secteurs agricoles et agroalimentaires.

Émissions industrielles

Par l’extension de son champ d’application, «le projet de révision de la directive sur les émissions industrielles de la Commission européenne aurait des impacts très lourds pour de nombreux élevages», prévient Fabrice Couturier, président de la Frsea Grand Est.

La Fnsea et ses associations spécialisées estiment qu’en France, 72 % des élevages avicoles, et 93 % des élevages porcins, contre respectivement 18 % et 7 % actuellement, seraient classés. Près de 30.000 exploitations bovines subiraient le même sort. Pour les seuls élevages avicoles et porcins, les coûts estimatifs s’élèvent à 2 milliards d’euros.

Dans ce dossier, la profession agricole demande aux parlementaires de «ne pas assimiler l’élevage au secteur industriel», souligne Fabrice Couturier. Elle s’affirme donc, «contre l’extension du champ d’application de l’actuelle directive et contre l’ajout de nouvelles règles disproportionnées pour des activités basées sur des installations à caractère familial», précise l’élu du Grand Est.

En résumé, les agriculteurs demandent simplement le statu quo réglementaire. «Une position qui ne doit pas être assimilée à de l’immobilisme puisque les éleveurs poursuivent leurs efforts d’adaptation au changement climatique et travaillent encore à la réduction d’émissions de gaz à effet de serre», revendique le président de la Frsea, «ce projet est, en outre, incohérent avec la politique commerciale de l’Europe, puisqu’aucune mesure équivalente n’est envisagée sur les importations de produits similaires venant de pays tiers».

Restauration de la nature

Le second projet de texte s’est avéré un sujet clivant de l’ordre du jour de la réunion des ministres de l’Environnement des Vingt-Sept, le 20 juin. Les orientations générales de la Commission européenne sur la restauration de la nature ont tout de même bénéficié du soutien de la grande majorité des ministres de l’Environnement.

Si le texte introduit un certain nombre d’assouplissements par rapport à la proposition initiale, les États membres devront contribuer à rétablir, de manière continue et durable, la biodiversité et la résilience de la nature dans l’ensemble des zones terrestres et marines de l’Union européenne en restaurant les écosystèmes. «Ils devraient mettre en place des mesures de restauration qui, dans leur ensemble, devront couvrir d’ici 2030 au moins 20% des zones terrestres et marines de l’Ue et tous les écosystèmes d’ici 2050», s’inquiète Fabrice Couturier.

Objectifs contraignants

Au-delà des intentions, le texte comporte des objectifs contraignants en matière de biodiversité et de rétablissement des écosystèmes forestiers, urbains, agricoles, marins ou d’eau douce. Les différents États devront présenter des plans nationaux de restauration de la nature qui devront être agréés par Bruxelles avec une série d’indicateurs à la clef. Ainsi, l’article 7 prévoit l’obligation de supprimer les obstacles présents sur les cours d’eau, l’objectif de l’Union européenne consistant à disposer de 25.000 km de cours d’eau à courant libre.

L’article 8 vise à inverser le déclin des pollinisateurs et de parvenir à une évolution à la hausse de leurs populations. Un des moyens pour l’atteindre sera de réduire l’utilisation des pesticides, par exemple. Les villes ne sont pas mieux loties. Il leur faudra accroître leur végétalisation par des couverts arborés, des espaces verts dans les bâtiments.

Débats houleux

Si le texte a pu être adopté difficilement en Conseil des ministres malgré l’opposition des Pays-Bas, de la Pologne, de l’Autriche, de la Finlande et de la Suède, il déchire aussi le Parlement européen.

Le 15 juin, les députés de la commission Environnement ont accepté de justesse d’examiner le règlement sur la restauration de la nature, en votant contre l’amendement de rejet déposé par la droite et soutenu par l’extrême droite. Mais sans parvenir à examiner la totalité du texte.

Les mêmes eurodéputés de la commission Environnement ne sont pas parvenus à se mettre d’accord lors d’un vote organisé le 27 juin. Aucune majorité ne s’est dégagée : 44 eurodéputés ont soutenu le projet de texte amendé, et 44 s’y sont opposés.

Ce projet de règlement controversé sera donc soumis à un vote du Parlement européen en plénière le 11 ou 12 juillet. Un scrutin à l’issue très incertaine qui pourrait conduire à un rejet en bloc du texte

Le Parti populaire européen (Ppe) notamment estime que le texte va saper la production agricole, un des objectifs étant que 10 % des terres agricoles atteignent une haute diversité biologique. Alors que les Verts, soutenus par les Ong, assurent au contraire que l’agriculture et l’économie sont menacées par l’effondrement de la biodiversité.

Études d’impact

À l’approche du vote, la Fnsea mobilise son réseau. «Ce sont des textes particulièrement importants en termes d’impact pour l’agriculture», alerte Fabrice Couturier, «ils sont, par ailleurs, emblématiques du contexte européen actuel, puisqu’une partie des députés européens, comme nous, considèrent que ces textes vont trop loin, qu’ils mettent à mal l’agriculture, ou qu’ils ne sont pas adaptés aux enjeux».

C’est pourquoi, la Fnsea et son réseau interpellent les parlementaires et les services de l’État sur «les risques de l’impact de ces deux projets pour la productivité et la rentabilité de la Ferme France», avertit Fabrice Couturier, «mais aussi un risque pour notre souveraineté alimentaire», ajoute-il, «le combat de la profession agricole est de défendre, en cohérence avec les actions du Copa-Cogeca, la position adoptée en Commission Agriculture du Parlement européen. À savoir, pour le projet de directive Ied, le statu quo, et pour le projet de règlement sur la restauration de la nature, le rejet de la proposition».

Pour le Copa-Cogeca, cette absence de consensus au Parlement européen prouve que la proposition initiale de la Commission européenne est mal construite, «à commencer par l’incohérence totale entre l’ambition affichée et l’absence de financement proposé».