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L’Europe autorise la mise en culture des jachères en 2022

En France, les surfaces en jachère représentent près de 300.000 ha, soit plus de 1 % de la surface agricole utile en France (26,7 millions d’hectares), et presque 2 % de la surface en terres arables. Photo ACTUAGRI
En France, les surfaces en jachère représentent près de 300.000 ha, soit plus de 1 % de la surface agricole utile en France (26,7 millions d’hectares), et presque 2 % de la surface en terres arables. Photo ACTUAGRI

Dans un contexte de crise en Ukraine avec des impacts sur les filières agricoles à l’amont comme à l’aval, la Commission a ouvert la possibilité de déroger au cadre du paiement vert pour la campagne 2022.

L'invasion russe en Ukraine a induit de fortes tensions sur les marchés de matières premières agricoles. Dans ce contexte, la France a fait le choix de mettre en œuvre plusieurs dérogations.

Ainsi, pour la campagne 2022, les surfaces déclarées en jachère peuvent être comptabilisées en tant que surfaces d’intérêt écologique (Sie) pour l’atteinte du taux de 5 % requis même si ces terres ont été pâturées ou récoltées à des fins de production ou ont été cultivées. Cette dérogation est ouverte à l’ensemble des exploitants, qu’ils soient ou non éleveurs. La fertilisation y est autorisée.

Le coefficient de pondération de la jachère (1 m2 = 1 m2) reste inchangé. Les jachères mellifères ne sont pas concernées par cette dérogation.

Pâturées ou récoltées 

Sur ces surfaces en jachère pâturées, récoltées ou cultivées, l’interdiction d’utilisation de produits phytopharmaceutiques peut être levée. Les surfaces déclarées en jachère qui sont cultivées continuent de compter pour une culture distincte pour l’évaluation de la diversité des cultures.

L’objectif des dérogations ouvertes par la Commission européenne dans sa décision du 23 mars est de favoriser les cultures destinées à l’alimentation, humaine ou animale. Compte tenu de cet objectif et de l’avancée de la campagne culturale, seuls les cultures et les mélanges fourragers implantés au printemps sont autorisés, soit les céréales de printemps (y compris le maïs), les oléagineux de printemps et les légumineuses, y compris les protéagineux, de printemps seuls ou en mélange entre eux.

L’objectif étant d’accroître la production par le retour en culture des surfaces destinées à la jachère, les parcelles déjà implantées en cultures d’hiver ne peuvent donc pas bénéficier de cette dérogation.

Produits phyto

La dérogation, autorisant l’utilisation de phytosanitaires, ne concerne que les parcelles déclarées en jachère Sie. Les plantes fixatrices d’azote bénéficient de cette dérogation si elles sont déclarées en Sie, mais pas si elles sont déclarées en Sie fixatrice d’azote.

Pour les autres Sie concernées par l’interdiction d’utilisation des produits phytopharmaceutiques (jachères mellifères, bandes le long des forêts avec production, taillis à courte rotation, miscanthus et cultures dérobées), l’interdiction demeure.

Les parcelles couvertes par la dérogation doivent être déclarées en jachère (code J5M et J6S), quel que soit le couvert choisi.

Modalités de déclaration

La Commission demande un bilan, en fin d’année, des exploitations ayant eu recours aux dérogations. À cette fin, des «précisions» ont été ajoutées pour les codes J5M et J6S : «Dérogation Ukraine - pâture ou fauche» et «Dérogation Ukraine - mise en culture».

Si l’exploitant souhaite faucher ou faire pâturer ses jachères, pour chaque parcelle concernée, il doit choisir comme précision «Dérogation Ukraine - pâture ou fauche» lors de la déclaration du code J5M ou du code J6S.

Si l’exploitant souhaite mettre en culture de printemps ses jachères, pour chaque parcelle concernée, il doit choisir comme précision «Dérogation Ukraine - mise en culture» lors de la déclaration du code J5M ou du code J6S.

Concernant la possibilité d’utiliser des produits phytopharmaceutiques sur les jachères Sie : dans sa télédéclaration, l’exploitant doit déclarer à l’étape «Verdissement» qu’il est «informé(e) de l’interdiction d’usage de produit phytopharmaceutique sur les parcelles de jachères (y compris mellifères), de cultures fixant l’azote, de bandes le long des forêts avec production, de taillis à courte rotation, de miscanthus et sur les cultures dérobées ou à couverture végétale que je déclare en surface d’intérêt écologique».

Compte tenu de la décision de dérogation de la Commission très proche du début des télédéclarations, ce message n’a pas pu être modifié. Il faut comprendre que cette mention ne s’applique pas aux surfaces déclarées jachères Sie avec une précision «Dérogation Ukraine».

Impact des dérogations

Les surfaces bénéficiant de ces dérogations sont déclarées en jachère conformément au cadre fixé par la Commission européenne. La déclaration des surfaces étant commune à l’ensemble des aides surfaciques relevant du Sigc, la possibilité d’implanter des cultures productives sur jachère va impacter les autres dispositifs.

Le principe général est que ces surfaces en jachère Sie «Dérogation Ukraine» sont considérées comme des surfaces en jachère pour les autres dispositifs. Ainsi :

- Paiement vert : ces surfaces resteront considérées comme des jachères pour la diversité des cultures comme pour le taux de Sie (avec 1 ha jachère = 1 ha Sie).

- Aides couplées : Elles ne seront pas prises en compte pour les aides couplées. Cela reste valable pour les jachères «Dérogation Ukraine» même si elles portent une culture éligible à une aide donnée. Il convient de noter par ailleurs que le code culture ne permet pas de connaître la nature du couvert effectivement implanté sur l’exploitation.

- Maec-Ab : Le cahier des charges Maec continue de s’appliquer normalement sur toutes les surfaces engagées dans la Maec, y compris les surfaces en dérogation jachère Sie «Dérogation Ukraine» qui seraient engagées. Les exploitants engagés dans des Maec, qui souhaitent valoriser leurs surfaces déclarées en jachère Sie, devront veiller à respecter le cahier des charges de leur Maec, en particulier en ce qui concerne l’utilisation des produits phytopharmaceutiques ou les exigences de rotation et de diversification des cultures. 

L’utilisation des jachères est compatible avec le cahier des charges des aides à l’agriculture biologique.

- Indemnité compensatoire de handicaps naturels :

Les jachères ne sont pas prises en compte dans les surfaces, que ce soit pour l’Ichn animale. Ainsi, les jachères Sie «Dérogation Ukraine» ne seront pas prises en compte ni pour le calcul du chargement, ni dans les surfaces aidées au titre de l’Ichn, même si ces surfaces sont utilisées pour les animaux ou mises en culture.

- Assurance récolte : Les surfaces déclarées en jachères «Dérogation Ukraine» étant des jachères Sie, elles n’entrent pas dans le périmètre de couverture obligatoire ; il n’y aura donc pas d’incidence si ces surfaces ne font pas l’objet d’une assurance au titre du contrat d’assurance récolte. Pour les exploitants qui souhaiteront mettre à jour leur contrat auprès de leur assureur et assurer ces surfaces, des modalités spécifiques seront prévues pour prendre en compte le cas échéant ces situations dans le traitement de l’assurance récolte.

Couche des couverts - impact sur l’âge des prairies : Les surfaces bénéficiant d’une dérogation Ukraine restent, pour ce dispositif aussi, considérées comme des jachères. Par conséquent, elles restent assimilées à un couvert herbacé dans la couche des couverts même si la parcelle est en réalité mise en culture. Dans la couche de suivi des couverts, ces surfaces seront donc des prairies temporaires avec une année de plus (cas des surfaces déclarées J5M) ou des jachères de plus de six ans considérées comme des terres arables (cas des surfaces déclarées J6S).