Qualifié par le président de la Région Grand Est de «véritable moteur de nos territoires», le réseau des coopératives était réuni en assemblée générale, le 16 octobre à Metz. L’occasion d’une présentation détaillée de la contribution de cette organisation au service de ses adhérents.
À l’issue de ses travaux statutaires d’assemblée générale ordinaire, la coopération agricole du Grand Est a proposé, le 16 octobre à Metz, d’ouvrir largement ses portes et de faire entendre son rapport d’activité.
Une stratégie de communication promue par son président, Sylvain Hinschberger, qui a voulu mettre en avant «une partie des travaux réalisés au service des coopératives adhérentes, autour de deux tables rondes», l’une consacrée au pôle animal, l’autre au pôle végétal ; avant de clôturer la matinée avec une «conférence-débat dédiée aux travaux du Shift Project et particulièrement ceux dédiés à la décarbonation de l’agriculture et l’alimentation».
Le chaud et le froid
Absent pour des raisons d’agenda, le président de la Région Grand Est s’est adressé à l’assemblée au travers d’une courte vidéo. Franck Leroy a proposé un inventaire de projets portés par la coopération, qu’il qualifiait au passage de «véritable moteur de nos territoires». L’élu y voit «de puissants alliés» de la collectivité dans les transitions à venir.
L’intervention «virtuelle» de Franck Leroy était l’occasion, pour Sylvain Hinschberger, de souligner que «si des sujets», travaillés avec la Région «font plaisir», pour d’autres, les choses vont «moins bien».
Impossible d’éluder à cet instant les dossiers R-pass et éco-contribution.
Le premier dispositif, le R-Pass, est une nouvelle taxe voulue par la Collectivité européenne d’Alsace (CeA) qui prévoit de taxer les camions. Elle vise le trafic de transit et s’adresse aux poids lourds de plus de 3,5 tonnes qui traversent la région alsacienne.
Dans le même temps, la Région Grand Est souhaite instaurer une éco-contribution à partir de 2027, pour plusieurs centaines de kilomètres de réseau routier dont la gestion a été récupérée de l’État au 1er janvier 2025.
Ces projets, encore en pourparlers, inquiètent les filières économiques et notamment les transporteurs routiers mais pas seulement. Les filières agricoles seront impactées et particulièrement les coopératives. Sylvain Hinschberger y voit «des raisons de se frictionner avec l’exécutif régional». Un participant dénonce «un impôt de production supplémentaire alors que nos coopératives ont besoin de plus de compétitivité».
Décarbonation
À la manœuvre pour la première table ronde de la matinée, Pierre Passetemps (Fromagerie de l’Ermitage), président du pôle animal. À ses côtés, Philippe Bernhard (Alsace Lait).
Pour illustrer l’activité de l’année écoulée, la table ronde a débuté par la mission consistant à «travailler les positions du collège coopératif au sein de l’interprofession laitière». Le premier défi, pour Pierre Passetemps, aura été de «trouver une représentation équitable au sein du collège de la coopération». «Un objectif atteint» se félicite le président du pôle animal. Philippe Bernhard ajoute, «une fois la représentativité posée, il faut faire fonctionner l’ensemble». Des conventions sont en cours de rédaction. Elles auront vocation à «clarifier le fonctionnement du collège coopératif». L’objectif pour Philippe Bernhard, «simplicité et visibilité pour les autres collèges de l’interprofession». Des enjeux forts pour un collège qui se veut «à l’interface de l’interprofession laitière», entre les producteurs d’un côté et les industriels privés de l’autre, précise Pierre Passetemps. Il y voit une position où la coopération s’avère un acteur «réactif et proactif».
Autre sujet de mobilisation cette année, la décarbonation. Le constat posé par Philippe Bernhard, «l’élevage bovin est souvent montré du doigt». Aussi, il lui semble essentiel de connaitre «les enjeux de la décarbonation pour la filière», «les leviers d’action», mais aussi d’appréhender «les différentes trajectoires de décarbonation» imaginées pour l’agriculture. Pour l’élu, ce travail vise à se positionner sur ce sujet «comme acteur et pas seulement en observateur».
L’attractivité des métiers du lait, à tous les niveaux de la filière, s’est imposée dans l’agenda de l’interprofession. S’y attachent le renouvellement des générations chez les producteurs «mais aussi l’attractivité des talents pour nos coopératives», précise Philippe Bernhard.
«Tristement d’actualité», le dernier sujet évoqué a été «la succession des crises sanitaires». Fco, Mhe et dernièrement «celle qui nous inquiète plus particulièrement, la Dnc». Les différentes épizooties obligent l’interprofession à «une veille permanente».
Autre dimension du travail collectif des coopératives, l’harmonisation des audits dans le cadre des différentes démarches de qualité. Pierre Passetemps y voit «une fonction support des coopératives, favorable au maintien de leur activité Label Rouge et à la préservation de leurs parts de marché».
Directive nitrates
La seconde table ronde de la matinée était consacrée aux travaux du pôle végétal. À la manœuvre, Christophe Ketterer (Coopérative Agricole de céréales Cac68), président du pôle végétal, et à ses côtés Sylvain Hinschberger (Vivescia).
C’est un sujet «très technique» qui ouvrait le ban. La directive nitrates a mobilisé un groupe de travail initié par les coopératives à cinq reprises en 2025. S’y ajoutent les réunions portées par l’administration. Une densité de travail à mettre sur le compte de la négociation et la mise en œuvre du dernier programme d’action, dans ses versions nationale et régionale. Mais le caractère chronophage de ce dossier trouve tout autant une explication dans la complexité technique. «C’est une usine à gaz, une catastrophe», condamne Sylvain Hinschberger. «On ambitionne tous de travailler mieux tant sur les effluents d’élevage que sur les techniques de fertilisation, mais la directive nitrates reste d’une infinie complexité». Il est «assez difficile pour les coopératives de s’y repérer», ce qui pose la question de la communication auprès des agriculteurs. Le groupe technique a cependant produit des notes explicatives opérationnelles pour «aider les coopératives à disposer des connaissances nécessaires».
«Avec ces outils pratiques et opérationnels, nous sommes bien dans le rôle de la Coopération Grand Est : apporter des réponses en fédérant», rapporte Christophe Ketterer.
L’année écoulée aura aussi été celle d’un bilan à mi-parcours de la stratégie Ecophyto 2030. L’occasion, pour Sylvain Hinschberger, d’exprimer son ressenti, «Il y a toujours une présomption de culpabilité». «Nous sommes des vendeurs de phytos, et les coopératives céréalières sont phyto-dépendantes pour leur équilibre financier», mais le président du pôle végétal invitait ses collègues à faire de la pédagogie et rappeler que «l’utilisation des phytos est climato-dépendante», et que les instituts techniques sont des alliés pour apporter des arguments face à l’administration.
Un peu d’optimisme
En fin des travaux, le président de la Coopération Grand Est a présenté son rapport d’orientation. Il situait son propos «dans un contexte international et national qui fragilise l’économie agricole». Il évoquait en particulier «un secteur viticole historiquement performent» et «aujourd’hui au début d’une crise». En élevage, les niveaux de prix ne peuvent cacher le phénomène de décapitalisation «en lait comme en viande», avec pour conséquence «une menace pour l’approvisionnement et l’équilibre des outils de transformation». Enfin, en céréales, Sylvain Hinschberger décrivait le «ciseau des prix» où, «les intrants, en particulier les engrais, restent très chers tandis que les prix des céréales continuent de baisser». S’y ajoute «une situation mondiale morose avec la menace des tarifs douaniers américains et une situation politique française surréaliste». «Nous avons tous les ingrédients d’une véritable crise» prévient-il. Et de poser la question «des raisons de la perte de compétitivité» de l’agriculture française, avant de montrer du doigt, «normes européennes et surtranspositions franco-françaises, coût du travail». Un contexte où «le modèle coopératif ne préserve pas de la menace».
Mais Sylvain Hinschberger a tenu à affirmer, «qu’une des clés importantes de l’avenir et de la performance des coops sera de compter sur des administrateurs formés, compétents et courageux», «ainsi que sur des équipes opérationnelles totalement engagées». Il s’est félicité également de «pouvoir partager, avec le réseau syndical majoritaire, une même vision du collectif, le même souci des filières économiques».
Qu’est-ce que la coopération agricole Grand Est ?
La coopération agricole Grand Est regroupe près de 200 coopératives agricoles intervenant sur l’ensemble des productions régionales : céréales, vin, lait, viande, luzerne, sucre, bois, fruits et légumes, approvisionnement, services.
Elles portent trois missions fondamentales :
- La représentation de la coopération agricole et la valorisation du modèle coopératif.
- Le service aux coopératives adhérentes (juridique, fiscal, foncier, social, formation).
- La promotion de la coopération auprès des nouvelles générations d’agriculteurs et de viticulteurs.



