Le 21 octobre, la Fnsea et les Jeunes Agriculteurs, dont leurs sections départementales du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, ont été rejoints par d’autres syndicats agricoles européens membres du Copa-Cogeca. Ensemble, ils ont participé à un rassemblement devant le Parlement européen pour dénoncer les intentions de la Commission européenne.
Le 16 juillet dernier, les agriculteurs de toute l’Europe s’étaient déjà retrouvés aux portes de Bruxelles pour protester contre les orientations budgétaires proposées par la Commission européenne pour la période 2028-2034. Ils dénonçaient la réduction d’environ 20 % du budget de la Pac et la proposition de fusion du Fonds européen agricole de garantie (Feaga) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) en un seul fonds nationalisé, géré au niveau des États membres au lieu d’être géré au niveau de l’Ue. Face à l’inaction des décisionnaires et à la menace grandissante, les agriculteurs ont décidé de renouveler leur action, cette fois, devant le siège de Strasbourg. «Si nous sommes présents aujourd’hui, c’est pour faire pression sur le Parlement afin qu’il vote une motion de rejet de cette décision prise par la commission », a clamé Franck Sander, en charge du dossier Europe à la Fnsea. «Actuellement on a beaucoup de contraintes réglementaires, on entend que les budgets agricoles vont baisser, ils vont être noyés dans d’autres choses, on attend une Pac ambitieuse pour les projets agricoles, qui soutienne les agriculteurs», a complété Thomas Lux, président des Jeunes Agriculteurs du Bas-Rhin.
Un moteur invisible de l’économie
«Depuis le Covid, le matériel agricole a augmenté de 30 %, si de l’autre côté on nous enlève 20 %, on ne s’en sort plus. Vous enlevez 20 % de sa paie à n’importe quel salarié, il serait dans la rue aussi», explique Carole Strohm, agricultrice bio en Alsace Bossue. Malgré le sentiment d’être dans la survie et la lutte constante, elle répond toujours présente aux manifestations. «Un sou investi dans l’agriculture est réinvesti dans l’économie locale, même si la machine n’est pas produite en France, elle est vendue par un concessionnaire français, entretenue par des mécaniciens français… Les travaux dans les bâtiments sont faits par des maçons et électriciens d’ici, ce n’est pas qu’une aide aux agriculteurs pour se moderniser, c’est une aide à l’économie globale, et il faut montrer que le monde agricole ne se laissera pas détruire sans résister», appuie son collègue du Nord Patrick Dietrich.
L’Europe, fracture au lieu de solidarité ?
Les agriculteurs entendent qu’il n’y ait pas les mêmes règles au niveau international, mais qu’il n’y ait pas d’équité au niveau européen relève pour eux d’une catastrophe. «Sans Europe forte et solidaire, on se fera bouffer par l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud, la Russie et la Chine. Notre marché est européen, donc il nous faut une Pac forte qui fasse le lien entre les citoyens, les consommateurs et les agriculteurs», expose Hervé Lapie, secrétaire général de la Fnsea. Lui a le sentiment que ces nouvelles mesures s’attaquent aux fondations mêmes de l’Europe, et que cette décision annihilerait la capacité à apporter aux 450 millions de consommateurs européens la souveraineté alimentaire tant espérée.
Tous sont prêts à se mobiliser encore de manière plus forte à Bruxelles, si nécessaire, pour faire entendre la voix des agriculteurs auprès d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et de tous les politiques décisionnaires, bien loin du terrain.
L’Europe agricole unie face à une Pac jugée incohérente
Les Français ne sont pas les seuls à être menacés par cette nouvelle Pac, de nombreux drapeaux d’autres syndicats et pays flottaient devant les vitres du Parlement, avec l’espoir d’être entendus, pour une fois.
Arianna Giuliodori, directrice de Coldiretti (Confédération d’agriculteurs italiens) à Bruxelles : «cette proposition met en danger notre futur. Nos jeunes ont fait le déplacement pour défendre leur avenir. Le budget annoncé n’est pas cohérent avec les attentes de notre société et de nos consommateurs. À cela s’ajoutent des défis géopolitiques avec des crises de marché, des conflits, nous qui nourrissons la planète, nous nous retrouvons dans la bagarre. Les politiques sont en train de dire que l’agriculture ne les intéresse plus, ils préfèrent acheter des armes. Les agriculteurs sont pour un futur de paix prospère et durable».
Francie Gorman, représentant irlandais de la Copa : «nous avons écouté Mme von der Leyen nous dire qu’elle allait soutenir la sécurité alimentaire et les fermiers, pourtant les derniers mois, elle nous a abandonnés, nous, et ses promesses. Sans sécurité alimentaire en Europe, parler de notre défense n’a que peu de sens. C’est très important d’être présent aujourd’hui et c’est la raison pour laquelle nous avons tous fait le déplacement».



